Par Awa Cheikh Faye
Après plusieurs tentatives, le Niger s’est finalement départie de l’hymne national qu’elle avait hérité de l’époque des indépendances.
L’hymne "La Nigérienne" écrit par le français Maurice Albert Thiriet a été abandonné au profit de "l’Honneur de la Patrie".
Les détracteurs de la Nigérienne, et ils sont nombreux, dénoncent en effet des messages faisant ressortir un rapport de dépendance, de subordination, d'inféodalité et de racisme.
Les parties "Soyons fiers et reconnaissants / de notre liberté nouvelle" et "évitons les vaines querelles" en particulier ont continuellement soulevé l'ire des Nigériens.
Le professeur Boubé Namaïwa qui qualifie ces passages d'"irrévérencieux, à la limite de l’insulte" voit dans l'abandon de la Nigérienne une façon de "régler une dette culturelle et historique".
L’enseignant-chercheur au département de philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar dénonce "des remarques, des sous-entendu qui, au-delà du Niger, concernent toute l’Afrique…. Une Afrique usée, une Afrique fatiguée, qui doit faire appel à l’ancien colonisateur pour lui donner un nouveau souffle".
L'identité nigérienne
Si l’idée d’adapter l'hymne nationale aux réalités socio-historico-culturelles du pays est acceptée et souvent appelée de leurs vœux par les Nigériens, "L'honneur de la Patrie" est loin de faire l’unanimité.
L’artiste nigérien Jhonel Le Slameur s’en est ouvert sur sa page Facebook.
"Je viens d'entendre le nouvel hymne national. Permettez-moi sans offenser personne de vous exprimer mes regrets. Il n'y a pas de phrases qui me donnent envie de sortir du lit le matin. Aucune image ne reflète l'espérance que je désire pour mon pays. Sans poésie. Terne et plat" écrit l’artiste nigérien.
"Vous dites que le premier ne représente pas le pays parce que c'est un colon qui l'a écrit? Si vous ne pouvez pas faire mieux que le colon, ne faites pas moins que lui" ajoute-t-il.
Aller de l'avant
La député nigérienne Nana Djoubie Harouna Maty, elle, apprécie la mélodie. "Je n’aime pas le rythme" lance-t-elle à TRT AFRIKA, tout sourire.
"Je ne sais pas comment je vais la chanter. Ce n’est pas exceptionnel. Sur les réseaux sociaux j’ai vu beaucoup de nigérien le souligner. C’est du déjà entendu" tranche l’élue.
Nana Djoubie Harouna Maty souligne, par ailleurs, un manque d’inclusivité dans le processus d’écriture du nouvel hymne, pointant des défaillances, qu’elle espère voir résolues dans l’avenir.
"L’hymne, c’est la voix qu’une mère peut avoir pour son fils. Lorsque vous vous retrouvez dans certaines situations et que vous entendez l’hymne de votre pays vous avez l’impression d’entendre la voix de votre maman. Aujourd’hui s’il y a des frères qui ne ressentent pas la même chose, (je me demande) si cette mère-là a bien parlé" dit-elle, traduisant de façon imagée son opinion du nouvel hymne.
Mais pour le professeur Namaïwa, le nouvel hymne répond davantage aux aspirations du Niger d’aujourd’hui.
"A travers ce nouvel hymne nous devons crier notre colère du passé et nous réapproprier le texte et toutes les valeurs qu’il véhicule afin de s’affranchir d’une écœurante tutelle. Et nous avons à cet effet voulu concocter un texte à notre sauce, un texte avec des mots qui nous parlent, des mots qui sont les nôtres, des mots qui nous élèvent et de mots qui nous font vibrer."
"Le Niger d’aujourd’hui doit être un Niger qui doit avancer sans oublier sa mémoire. Nous avons tenu à privilégier ce texte parce qu’il nous permet de sortir du labyrinthe des habitudes et des nostalgies inopérantes…pour nous interroger sur le sens et la substance des mots de l’ancienne Nigérienne que nous avons malheureusement consommés avec une certaine délectation", conclut professeur NAMAÎWA.
Le Niger a adopté le jeudi 22 juin 2023, la loi modifiant l'article premier de la constitution pour intégrer le texte du nouvel "Hymne de la République", intitulé "L’honneur de la patrie".