Ce qui fait de la paralysie du sommeil plus qu'un trouble médical
Le sommeil paradoxal se situe à la croisée de la science et de la spiritualité, révélant comment la culture façonne les réponses à une condition qui brouille les frontières entre la réalité éveillée, les états de rêve et la vulnérabilité humaine à la peur.
Mpendaga Karla gît immobile dans son lit, parfaitement consciente mais incapable de bouger ou d'appeler à l'aide.
Quelque chose en elle prend le contrôle dans ce qui oscille entre rêve et réalité. Lorsqu'elle parvient enfin à se libérer de ce sort, Karla se sent épuisée, anxieuse et en colère.
Cette entrepreneuse quadragénaire, installée à Libreville, la capitale gabonaise, connaît trop bien cette expérience.
« Pour nous, ce sont des attaques mystiques, rien d'autre », dit Karla. « Cela arrive quand quelqu'un vous attaque dans le monde astral. Ce n'est pas à prendre à la légère. Quand cela m'est arrivé, je n'ai pas pu bouger, même si j'étais consciente pendant mon sommeil. C'est comme un cauchemar où je suis poursuivie ou agressée physiquement. »
Karla décrit la paralysie du sommeil, un trouble que les spécialistes de la santé mentale estiment toucher au moins 30 % de la population mondiale.
Les 70 % restants l'ont probablement vue représentée au cinéma : des personnages prisonniers de leurs cauchemars, privés de la capacité de se défendre ou de se réveiller.
Interprétations culturelles
En Afrique, comme dans de nombreuses régions du monde, beaucoup interprètent la paralysie du sommeil comme un phénomène surnaturel ou mystique. Karla a d'abord cherché des talismans auprès de guérisseurs traditionnels avant de se tourner vers la prière comme remède.
« Je prie chaque nuit avant d'aller me coucher pour ne pas retomber entre les mains de sorciers pendant mon sommeil. Ça marche », confie-t-elle à TRT Afrika. « Je prie parce que je ne veux pas mourir aux mains d'un sorcier qui déciderait de m'attaquer dans un rêve. »
Le psychologue clinicien béninois Kouassi Comlan, qui a traité de nombreux patients souffrant de paralysie du sommeil, combine approche scientifique et sensibilité culturelle pour les aider à sortir de ce cycle.
« La paralysie du sommeil est une parasomnie caractérisée par une dissociation temporaire entre l'éveil cortical et le maintien de l'atonie musculaire physiologique propre au sommeil paradoxal (REM) », explique le Dr Comlan.
« Pendant cette phase onirique, le cerveau active naturellement un mécanisme d'inhibition motrice afin d'empêcher la mise en acte des contenus du rêve. Lorsque ce processus persiste au moment où la conscience se réactive, le résultat est l'expérience subjective d'une paralysie temporaire, souvent accompagnée de manifestations hallucinatoires. »
Le bagage culturel du Dr Comlan l'aide à comprendre la manière dont ses patients perçoivent la paralysie du sommeil et à adopter une approche de soin inclusive.
« En tant que psychologue clinicien formé aux approches humanistes et à la psychologie positive, je pense qu'il est essentiel de comprendre la paralysie du sommeil de manière intégrative, en reconnaissant à la fois sa dimension neurophysiologique et sa signification culturelle, spirituelle et sémantique. »
Sensation physiques
Le Dr Comlan explique que la paralysie du sommeil résulte d'une désynchronisation des mécanismes régulant la conscience et le tonus musculaire lors de la transition entre l'éveil et le sommeil. L'atonie musculaire caractéristique du sommeil paradoxal persiste alors que le système d'éveil cortical s'est déjà réactivé, créant un état dissociatif temporaire.
Bien que bénin, le phénomène peut provoquer une détresse psychologique importante.
« Une immobilité corporelle totale est très souvent observée. La personne éprouve une incapacité complète à bouger volontairement ou à parler, ce qui crée un sentiment d'enfermement du corps », précise-t-il.
Il existe aussi des phénomènes hallucinatoires, comme l'intrusion d'éléments oniriques dans la conscience éveillée, qui donnent lieu à des hallucinations hypnopompiques (au réveil) ou hypnagogiques (à l'endormissement).
« Ces manifestations incluent fréquemment la perception d'une présence menaçante, des sensations d'oppression thoracique ou d'étouffement », rapporte le Dr Comlan à TRT Afrika.
Protection spirituelle
Comme Karla, les personnes qui souffrent de paralysie du sommeil cherchent souvent des moyens de rompre le cycle.
La tradition propose des charmes et des amulettes protectrices ; la religion apporte du réconfort par la prière ; et les thérapies cliniques traitent le problème sur un plan scientifique.
Le savant coranique Assane Gaye estime que la dimension spirituelle est aussi importante que l'approche scientifique pour guérir la paralysie du sommeil.
« Beaucoup de croyants interprètent cette expérience comme une force cherchant à influencer ou à effrayer », explique le savant sénégalais.
« Cependant, l'islam nous enseigne que rien ne peut nuire au croyant sans la permission d'Allah. Je cite : ‘Et si Allah vous touche par un mal, nul en dehors de Lui ne pourra l'enlever’ (Sourate Al-An'âm 6:17). Le Prophète a dit : ‘Sachez que si la communauté entière s'unissait pour vous nuire, elle ne pourrait le faire que selon ce qu'Allah a décrété pour vous’ ».
Pour tenir la paralysie du sommeil à distance, Gaye recommande de réciter des invocations avant de dormir. « Le Prophète récitait Ayat al-Kursî (Sourate 2:255) avant d'aller se coucher. Celui qui la récite avant d'aller au lit sera protégé par Allah. Aucun démon ne l'approchera jusqu'au matin. »
La paralysie du sommeil peut être perçue différemment selon la culture et les traditions des patients.
Les experts recommandent de privilégier les outils ou les pratiques qui fonctionnent pour les personnes concernées, qu'il s'agisse de la prière, des amulettes ou d'un traitement médical. Donner la priorité au sommeil, pour laisser à l'esprit le temps de se reposer et de se rétablir, est également reconnu comme bénéfique.