Qui était Albert Luthuli, prix Nobel de la paix, tué par la police sud-africaine ?
L'ancien dirigeant du parti de libération sud-africain ANC a succombé en 1967 à une agression commise par des policiers du régime d'apartheid, selon un tribunal qui a réfuté la version officielle à l'époque d'un accident ferroviaire.
Un tribunal sud-africain a statué le 30 octobre 2025 que la mort du lauréat du prix Nobel Albert Luthuli en 1967 était le résultat d'une "agression" par la police de l'apartheid, renversant ainsi des décennies d'affirmations selon lesquelles il s'agissait d'un accident.
Une enquête menée sous le régime de l'apartheid avait conclu que Luthuli, le premier Africain noir à avoir remporté le prix Nobel de la paix, était mort après avoir été heurté par un train de marchandises alors qu'il marchait le long d'une voie ferrée.
Mais les militants et sa famille ont longtemps mis en doute ces conclusions, et le gouvernement sud-africain a rouvert le dossier cette année.
La justice a finalement conclu les preuves présentées à l’époque montrent que sa mort est due à "une agression conduite par des policiers sud-africains agissant de concert et dans un but commun avec des employés de la compagnie ferroviaire sud-africaine".
Le tribunal a même cité les noms de sept hommes qui ont commis le meurtre ou agi comme complices.
Qui était Luthuli ?
La réouverture de l’affaire Luthuli fait partie des initiatives prises par les autorités sud-africaines pour rendre justice aux victimes des crimes commis pendant l'apartheid et permettre à leurs familles de tourner la page.
Le leadership d’Albert Luthuli s’est imposé durant l’une des périodes les plus troublées de l’histoire sud-africaine.
Au début des années 1950, le régime d’apartheid a renforcé la ségrégation raciale, imposant des lois sévères qui restreignaient la liberté, les droits et les déplacements des Sud-Africains noirs.
De l’enseignant au prix Nobel
Natif vers 1898 dans l’actuel Zimbabwe et élevé au Natal, en Afrique du Sud, Luthuli a été formé comme enseignant avant de devenir un fervent chrétien et chef de la mission de Groutville.
Son parcours le mena de la salle de classe à la scène internationale, où il devint, en 1960, le premier Africain à recevoir le prix Nobel de la paix.
Luthuli rejoignit le Congrès national africain (ANC) et se fit rapidement connaître pour sa résistance calme mais déterminée face à l’injustice. En 1952, il est élu à la tête de l’ANC, fonction à partir de laquelle il prôna la protestation non violente et la désobéissance civile contre les lois ségrégationnistes.
Sa foi chrétienne orientait profondément sa vision. Luthuli croyait fermement en la puissance morale de la paix et de la réconciliation. Même lorsque le gouvernement de l’apartheid lui interdit toute participation publique et le confina dans sa maison rurale de Groutville, il continua d’inspirer les militants par ses écrits et ses discours.
Un leadership basé sur la non-violence
Sa déclaration la plus célèbre, "La route vers la liberté passe par la croix", exprimait à la fois sa profondeur spirituelle et sa conviction que la libération exigeait des sacrifices.
Lorsque Luthuli reçut le prix Nobel de la paix en 1960, ce fut non seulement un honneur personnel, mais aussi une reconnaissance internationale du mouvement de résistance grandissant en Afrique du Sud.
Cette distinction attira l’attention du monde entier sur les injustices de l’apartheid et donna davantage de légitimité à la cause de l’ANC. Malgré les fortes restrictions imposées à ses déplacements, il demeura un symbole de résistance pacifique et de courage moral.
Lors d’une visite en Afrique du Sud en juin 1966, le sénateur américain Robert F. Kennedy s'est entretenu avec le prix Nobel qui était assigné à résidence par le gouvernement de l’apartheid. Au terme de l’entrevue qui s'est déroulée sous étroite surveillance policière et de sécurité, Kennedy a qualifié Luthuli de « l'un des hommes les plus impressionnants que j'aie rencontrés ».
Aujourd’hui, l’héritage d’Albert Luthuli perdure comme celui d’un géant moral — un leader qui prouva que la foi, la dignité et la paix pouvaient tenir tête à la plus brutale des oppressions.
La réouverture de l’affaire Luthuli fait partie des initiatives prises par les autorités sud-africaines pour rendre justice aux victimes des crimes commis pendant l'apartheid et permettre à leurs familles de tourner la page.