Abattre un éléphant est désormais légal au Gabon/TRTAFRIKA

Par Jean-Rovys Dabany

TRT Afrika - Libreville, Gabon

Entre octobre et décembre, la température atteint 38 °C. Des troupeaux d’éléphants viennent rôder près du village Nzolendé, en quête d’eau et de nourriture. Ils se déplacent à la lisière du fleuve ivindo, au Gabon.

Bienvenue dans le parc de l’Ivindo, l’un des plus grands paradis pour les pachydermes.

Ce petit pays d’Afrique centrale accueille l’immense parc de l’Ivindo et la célèbre réserve de Minkebé, plus au nord, près du Cameroun, deux paradis pour les animaux. Le Gabon est devenu incontestablement le sanctuaire de l’éléphant d’Afrique centrale, acceuillant 95 000 éléphants, sur les 415 000 individus que compte le continent.

Ce qui ne manque pas de créer des conflits entre hommes et pachydermes.

Dans ce contexte, l’annonce des autorités, début décembre, d’autoriser la chasse des éléphants a provoqué une onde de choc. Le général Brice Oligui Nguema alors en tournée dans le pays a affirmé que les populations d’éléphants étaient devenues ingérables dans certaines régions du pays.

"J’ai écouté les cris sur le conflit Homme-Faune …). Le Comité des Transition et de la Restauration des Institutions est partant pour l’Humanité. Mais fallait- il laisser les éléphants détruire vos plantations et venir vous agresser ?", avait déclaré, début décembre, le général Oligui Nguema.D ans la région sud, les éléphants font régulièrement des raids sur les récoltes, causant d’énormes pertes aux agriculteurs.

D’après une étude du ministère des Eaux et Forêts, datant de 2020, les conflits entre humains et éléphants ont augmenté en nombre et en intensité, affectant de plus en plus les moyens de subsistance des habitants. Certains experts estiment même que le nombre des pachydermes a presque triplé en vingt ans et pourrait désormais atteindre 130 000.

Atténuer le conflit entre hommes et éléphants

Pour les autorités, se débarrasser des éléphants est une solution hâtive. "Une chasse réglementée aidera les communautés dans une certaine mesure, à atténuer les conflits entre hommes et éléphants", explique à TRT Afrika Eric Pougey, fonctionnaire et spécialiste des questions des conflits hommes et éléphants au ministère des Eaux et Forêts.

Cette observation est fondée sur le fait que les éléphants ont une longue vie. Ce ne sont pas des reproducteurs prolifiques comme les tigres, mais l’absence de prédateurs et le fait de vivre en grands groupes augmentent beaucoup leur taux de survie, explique M. Pougey.

M. Pougey cite une étude du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique à Libreville, selon laquelle l'éléphant femelle moyenne produit 12 petits au cours de sa vie d’environ 60 ans.

"En ce qui concerne les espèces envahissantes, il existe un consensus presque universel parmi les défenseurs de la nature sur le recours à l’abattage sélectif, pour se débarrasser de certaines tête", avance-t-il.

Un argument qui ne tient pas selon les associations de protection des animaux, pour qui il exite des moyens plus pacifiques pour régler le conflit. Quevain Makaya, coordinateur de l’ONG Conservation Justice, appelle les autorités à plus d’immigration pour éviter l’hécatombe.

"Nous devons nous attaquer aux problèmes causés par les conflits entre les hommes et les éléphants. Les tuer n’est pas une solution. C’est archaïque comme moyen de protection de la faune. Ça manque d’imagination", explique à TRT Afrika M. Makaya.

Une mesure qui satisfait les communautés rurales

Cette mesure prise par le président de la Transition est cependant populaire auprès des communautés rurales. La décision du général Oligui Nguema est même assortie de la libération des personnes emprisonnées pour des délits fauniques.

"En autorisant la chasse des éléphants, les autorités ont donné sans le savoir un feu vert à la population d’abattre les éléphants. La semaine dernière, la population a abattu un éléphant et l’a mangé", a indiqué à TRT Afrika Edgard Mouandza, qui travaille dans le parc national de Mwagna, au sud du pays.

"Je ne peux pas imaginer le bruit causé par les coups de feu de ceux qui veulent mettre fin à la vie de ces magnifiques animaux", décrit-il au téléphone à TRT Afrika.

D’après ce rangers, les villageois utilisent toutes sortes d’armes pour abattre les pachydermes. Mais quelques fois, la chasse tourne mal car il ya des armes en circulation et chacun peut s’en procurer facilement.

"Des villageois ont failli s'entretuer dans le village de Mekambo parce que deux groupes poursuivaient le même troupeau d’éléphants", raconte M. Mouandza.

Tuer les éléphants est-il une solution ?

À cause du braconnage et de la disparition de leur habitat, les éléphants des forêts gabonaises se sont éloignés de leur milieu naturel où les arbres produisent de moins en moins de fruits. La faute à la destruction de leur habitat.

"Le surpopulation des éléphants est dû à la perte de corridors et d’habitats. Mais est-ce que tuer est une solution?", S’interroge François Boussamba, de Aventures Sans Frontières, une ONG qui milite pour la protection des animaux.

M. Boussamba et son équipe étudient le comportement des éléphants depuis des années. Ils estiment que le Gabon aurait mieux fait comme d’autres pays d'octroyer plutôt des permis pour les battues réglementées au lieu d’autoriser les villageois à les tuer.

Les espoirs écologiques brisés?

À la tribune de la COP, le général Oligui Nguema avait déjà donné le ton : "on ne mange pas les certificats de bonnes conduite ".

Une diatribe utilisée par le président de la Transition pour critiquer vertement les pays occidentaux qui appellent les pays africains dont le Gabon à préserver leurs forêts. Le pays semblait être un allié incontournable des pays du Nord dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Mais depuis le putsch du 30 septembre, les investisseurs internationaux sont inquiets.

"D’autres pays et de nombreuses régions connaissent une recrudescence des conflits entre hommes et éléphants. Mais la chasse aux éléphants en surnombre n’est pas encore considérée comme une option", souligne Carla Lebur, chercheuse au sein de l’ONG Wildlife Conservation Society, basée à Libreville.

TRT Afrika