Macron en tournée africaine alors que l'influence française faiblit
Le président français commence une tournée de cinq jours en Afrique, qui le mènera à Maurice, en Afrique du Sud, au Gabon et en Angola, alors que l'influence française s'affaiblit dans son ancien pré carré africain.
Des partenariats « gagnant‑gagnant » face à des « défis communs » : Emmanuel Macron entame aujourd’hui à l’île Maurice une tournée de cinq jours en Afrique, réaffirmant son ambition de tisser de nouveaux liens alors que l’influence française recule dans son ancien pré carré africain.
Le président français doit arriver vers 13h00 locales (09h00 GMT) à Port‑Louis, capitale de Maurice, voisine du département d’outre‑mer français de La Réunion et souvent citée comme une « success story » économique dans l’océan Indien, avec un PIB par habitant supérieur à 10 000 dollars, selon la Banque mondiale.
Il se rendra ensuite en Afrique du Sud, qui accueille samedi et dimanche le sommet du G20, puis au Gabon où il rencontrera le nouveau président Brice Clotaire Oligui Nguema, deux ans après le coup d’État qui a mis fin à la dynastie des Bongo, et enfin en Angola pour un sommet Union africaine‑Union européenne.
L’île Maurice, qui compte un peu plus de 1,2 million d’habitants, est passée d’une économie centrée sur la canne à sucre à un modèle de diversification tourné vers le tourisme et les services financiers, même si des fragilités se sont accumulées ces dernières années.
« C’est un pays qui est sorti en 30 ans de la pauvreté pour être aujourd’hui aux portes des pays à revenus élevés », souligne la présidence française, estimant que les entreprises et les ressortissants français y jouent un rôle important.
Au cœur de l’océan Indien
Ancienne colonie française puis britannique, indépendante depuis 1968, Maurice conserve une forte tradition francophone même si l’anglais est la langue officielle. Environ 15 000 ressortissants français y résident, selon l’Élysée.
Emmanuel Macron rencontrera jeudi soir le Premier ministre Navin Ramgoolam en tête‑à‑tête et souhaite redynamiser une relation politique un peu relâchée, plus de 30 ans après la dernière visite d’un président français, celle de François Mitterrand en 1993.
Cette visite intervient aussi dans un contexte régional tendu : le voisin Madagascar a récemment connu un coup d’État qui a ravivé le ressentiment envers l’ancienne puissance coloniale. L’exfiltration par Paris de l’ex‑président Andry Rajoelina, rapportée par RFI, a indigné de nombreux Malgaches.
Le chef de l’État veut également affirmer la présence française dans le sud‑ouest de l’océan Indien face aux ambitions croissantes de la Chine, de la Russie et de l’Inde, en s’associant aux États de la région, notamment sur les questions de sécurité maritime.
Emmanuel Macron et Navin Ramgoolam se rendront vendredi à bord du Champlain, un bâtiment de la Marine française engagé dans des opérations de surveillance conjointes avec les gardes‑côtes mauriciens, dans une zone marquée par une augmentation des trafics (drogue, pêche illégale, migrations clandestines).
Par ailleurs, l’Agence française de développement (AFD) doit signer des accords visant à sécuriser le réseau électrique mauricien face aux aléas climatiques de plus en plus violents et à moderniser le secteur de l’eau.
Ouagadougou
Boudée dans certaines anciennes colonies autrefois perçues comme son pré carré, la France semble chercher à réorienter sa politique africaine. En mai dernier, le président nigérian Ahmed Tinubu a été reçu en grande pompe à l’Élysée, et, fin novembre 2024, l’ancien président ghanéen francophile Nana Akufo‑Addo avait également été invité.
Cela illustre l’orientation de Paris vers des pays avec lesquels elle n’a pas de passé colonial. La visite de M. Macron en Afrique du Sud en marge du G20 et en Angola s’inscrit dans cette logique, alors que le prochain sommet de la francophonie se tiendra les 11 et 12 mai 2026 au Kenya, un pays anglophone, ce qui constitue une première.
À chaque étape de sa tournée, le président entend « promouvoir des solutions économiques dans un partenariat gagnant‑gagnant au service de nos entreprises, au service des Français, au service des pays africains », affirme l’Élysée.
Les entreprises françaises espèrent ainsi contribuer à la diversification de l’économie gabonaise, encore largement dépendante du pétrole, notamment par l’exploitation de minerais, selon Paris.
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En Afrique du Sud, Emmanuel Macron assistera au lancement d’un conseil d’affaires franco‑sud‑africain calqué sur le modèle de celui déjà existant au Nigeria.
Mais cette nouvelle politique africaine, affirmée notamment dans le discours de Ouagadougou en 2017 et marquée par la volonté de rompre avec l’héritage de la « Françafrique », peine à se concrétiser.
La volonté de M. Macron de s’adresser directement à la jeunesse et à la société civile, sans convier de chefs d’État africains, comme lors du sommet Afrique‑France de 2021 à Montpellier, est parfois mal perçue.
Cette posture a été jugée paternaliste, notamment au moment où l’armée française, engagée dans une opération antiterroriste, a été contrainte de se retirer du Sahel face à la montée du sentiment antifrançais.
Parallèlement, la part des échanges franco‑africains a reculé dans le commerce total de l’Afrique, alors que des pays comme la Chine, la Russie et la Turquie gagnent du terrain.