Le monument au Sénégal est considéré comme un symbole de la Renaissance africaine. Photo.AA

Par

Burak Elmalı

La plupart de ces discours découlent d'une époque coloniale révolue et d'une mentalité coloniale bien ancrée. Ainsi, plutôt que de traiter les affaires africaines comme un sujet à part entière, le continent est souvent objectivé et vu uniquement à travers le prisme des intérêts d'autres pays. Mais soyons clairs : nous ne parlons pas d'un continent homogène. Le continent est diversifié et possède des régimes politiques, des langues, des ethnies et des cultures différentes.

Cependant, il est temps de reconnaître la domination d'un récit qui n'a été qu'une affaire d'objectivation. Vous connaissez le refrain : "Les investissements du pays X en Afrique sont en hausse" ou "L'Afrique est le nouveau champ de bataille des grandes puissances A et B".

Lorsqu'il s'agit d'écrire, de raconter ou d'écouter des histoires sur l'Afrique, il est grand temps de mettre notre esprit critique à l'épreuve. Plongeons en profondeur et analysons les raisons pour lesquelles l'Afrique a été reléguée au rang d'objet dans la rhétorique dominante à laquelle nous nous sommes habitués. À ce stade, trois questions cruciales se posent, révélant pourquoi le statu quo discursif concernant l'Afrique a prévalu.

Le langage, reflet des relations de pouvoir

La façon dont nous racontons l'Afrique n'est pas seulement une question de mots, c'est une question de pouvoir. Le langage que nous utilisons reflète les dynamiques de pouvoir en jeu et, malheureusement, l'objectivation de l'Afrique est un poison persistant de l'ère coloniale. Le langage est puissant. Il peut changer le cours de l'histoire en fonction de la terminologie utilisée.

En Afrique, l'imposition des langues européennes comme langues officielles pendant l'ère coloniale a dévasté la façon dont le continent était perçu et dépeint. Elle a servi de véhicule pour transmettre les façons européennes de penser et d'écrire sur l'Afrique, perpétuant des récits néfastes d'infériorité et d'exotisme. Par conséquent, l'acte de colonisation est, par essence, un acte d'objectivation. Par conséquent, la façon dont nous parlons, écrivons et discutons de l'Afrique aujourd'hui reflète toujours cet héritage toxique.

Origines libérales de l'objectivation

Les théories du contrat social du libéralisme envisageaient une notion particulariste du contrat qui excluait systématiquement les personnes de couleur de la désignation participative de l'État et de la société civile. Le climat raciste qui régnait dans l'Europe des Lumières a gelé l'inclusion dans les fondements théoriques. Il s'avère que le "contrat social" était depuis le début une appellation erronée, comme le souligne à juste titre l'ouvrage de référence de Charles W. Mills intitulé "Racial Contract" (Contrat racial). Dans ce contexte théorique, il n'est pas surprenant qu'un groupe jugé "non civilisé" soit devenu un objet qui doit être corrigé par la catégorie "civilisée".

Cette mentalité n'est pas nouvelle et s'est manifestée sous différentes formes au cours de l'histoire. L'approche communément appelée "libéralisme progressif", qui a servi à propulser la politique étrangère des États-Unis après la guerre froide, est un exemple frappant de l'erreur consistant à prétendre apporter la "liberté" à des régions "non libres". Cette approche s'est souvent appuyée sur l'invasion et l'intervention militaires, ce qui a eu pour effet de perpétuer l'oppression qu'elle prétendait combattre. Ces approches soulignent les biais innés inhérents à la définition de ce qui est "civilisé" et mettent l'accent sur la nécessité d'interroger et de remettre en question ces définitions étroites.

Nouvelles formes d'objectivation à l'ère du néolibéralisme

Le néolibéralisme s'est glissé parmi nous sous le couvert de la mondialisation et a réalisé ce que Wendy Brown a appelé une "révolution furtive". Ce nouveau système économique a réduit la vie humaine à de simples actifs évalués sur la base de gains monétaires. Pendant ce temps, les anciennes puissances colonisatrices ont poursuivi leur ingénierie sociale sous la forme d'une aide au développement, perpétuant la distinction entre le sujet et l'objet.

En Afrique, cette objectivation a pris une forme encore plus insidieuse. Lors d'un discours au G20 en 2017, Macron a exposé le problème de la dépendance à l'égard de l'aide, de la posture hiérarchique et de la référence civilisationnelle : "Le plan Marshall était un plan de reconstruction [...] Le défi de l'Afrique est totalement différent et beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd'hui", a déclaré Macron, ajoutant que "nous devons développer des politiques beaucoup plus sophistiquées que le plan Marshall."

Dans son discours, il a pointé du doigt les femmes africaines, affirmant que le fait d'avoir sept ou huit enfants était la cause première de la déstabilisation de l'Afrique. Ce jeu de blâme est l'un des exemples troublants de la façon dont les femmes sont tenues pour responsables de l'entrave au progrès et au développement. Malheureusement, cette perspective n'est pas rare dans le monde néolibéral, où la vie humaine est considérée comme une simple forme de capital à sacrifier pour atteindre les objectifs de développement.

Sous le couvert de la mondialisation, le néolibéralisme a donné un nouveau lustre aux vieilles tactiques coloniales et les a présentées comme une aide au développement dans le monde postcolonial. Mais cette rhétorique ne sert qu'à objectiver l'Afrique et ceux qui prétendent la "rectifier".

TRT Afrika : L’Afrique telle qu'elle est

L'histoire de l'Afrique en tant qu'objet plutôt qu'en tant que sujet indépendant est à la fois nuancée et directe. D'une part, il s'agit d'une question complexe enracinée dans des héritages historiques et théoriques qui ont historiquement exclu les personnes de couleur.

D'autre part, la motivation sous-jacente est d'une simplicité désarmante : affirmer le contrôle d'un paysage vaste et diversifié par tous les moyens nécessaires. À bien des égards, il s'agit de chanter le même air, mais avec une mélodie différente et plus insidieuse. Il est temps d'aller au-delà de cette vieille rengaine et de recadrer le récit de l'Afrique. Il est temps de reconnaître la richesse de son histoire, la diversité de ses cultures et sa capacité d'action, de la considérer non pas comme un objet mais comme un sujet qui a une voix et une histoire à raconter. C'est ainsi que TRT World a lancé TRT Afrika : TRT World a lancé TRT Afrika, qui diffuse en 4 langues : Swahili, anglais, haoussa et français.

Cette démarche vise à modifier le discours dominant sur le continent et à mettre l'accent sur des histoires mondiales importantes qui reflètent la richesse de son patrimoine social, politique et culturel.

TRT Afrika