@Macky_Sall

Par Firmaın Eric Mbadinga

L'une des plus célèbres avenues de Dakar a fait peau neuve à l'occasion de son nouveau baptême.

Le 29 octobre, en effet, le nom de l'actuel président du Sénégal été préféré à celui de Louis Faidherbe, ancien administrateur colonial, pour désigner désormais l'un des points de référence majeurs du centre-ville de la capitale sénégalaise.

Le maire de la commune de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, a justifié cette décision en parlant d'“un hommage historique qui est une reconnaissance de l’engagement du chef de l’État au service des populations de Dakar-Plateau, mais aussi du Sénégal" sans s'étendre sur le personnage de Louis Faidherbe, dont le nom et la trace ont été de fait effacés de l'histoire de ce site.

Pour Alioune Ndoye cette mesure revêt une valeur ''historique'' et une ''portée nationale".

En 2020 déjà, un grand débat avait fait écho dans tout le Sénégal lorsque les autorités municipales de la ville de Saint-Louis, sur la côte nord-ouest du Sénégal, avaient décidé de rebaptiser une des places les plus populaires de cette commune, jadis appelée ''place Faidherbe'' en place ''Baya Ndar".

'' Ndar'' étant le nom originel de la ville en wolof et ''Baya'' signifiant place dans cette langue nationale du Sénégal.

Réagissant au choix porté sur sa personne, le président Macky Sall, s'est dit fier et honoré. ''Je vous en remercie vivement M. le maire et avec vous, l’ensemble du conseil municipal de la commune de Dakar-Plateau’’, a déclaré le président qui en est à son deuxième et dernier mandat.

De l'avis de Dr Massamba GUEYE, l'''africanisation'' des noms des espaces publics, au Sénégal, obéit à une volonté de réappropriation de la mémoire africaine .

''L’Afrique doit raconter sa propre version de son histoire. Cette politique a commencé dans les années 1980 avec la débaptisation de beaucoup d’écoles qui portaient des noms de Français. Aujourd’hui, la démarche de valorisation du patrimoine et la reconnaissance du combat des héros africains est acceptée pour transmettre leurs valeurs aux jeunes générations" explique l'enseignant-chercheur sénégalais, par ailleurs Fondateur-Manager de Kër Leyti (la Maison de L’Oralité et du Patrimoine).

"Les colons ont donné les noms de leurs héros aux espaces et immeubles sénégalais comme trophées de guerre, il est donc normal que l’éveil des consciences accru puisse amener les gouvernants actuels à leur donner des noms africains pour marquer la fin de la domination et ouvrir les pages glorieuses de notre histoire '' soutient le Dr GUEYE.

À en croire Gueye, s'agissant de la ville de St-Louis, le nom de Faidherbe, colon français, ancien gouverneur de l’Afrique-Occidentale française (AOF), sonnait comme un affront fait aux ''martyrs et victimes sénégalais de la violente et inhumaine colonisation".

''Il a fallu trouver un nom symbolique de l’unité culturelle, ''Baya Ndar '', de Saint-Louis pour décoloniser la Place Faidherbe'' explique-t-il.

''À travers ce baptême, avec le nom de l’avenue Faidherbe qui devient Avenue Président Macky Sall, la commune de Plateau célèbre l’œuvre d’un enfant d’Afrique, produit de l’école publique, qui est un modèle de résilience. La commune veut inscrire son nom dans le grand livre de l’histoire du Sénégal en tant que 4ᵉ Président du pays, initiateur du Plan Sénégal Émergent, et qui lui-même a donné le nom de ses deux prédécesseurs au Centre international de conférences ABDOU DIOUF et au Stade ABDOULAYE WADE'' ajoute Dr Gueye.

En plus des cas de Dakar et de St-Louis, la commune de Ziguinchor dans le sud du Sénégal a récemment débaptisé des rues pour leur donner une couleur locale. C'est ainsi qu'une des rues s’appelle : '' tirailleurs africains '' conclut-il.

Les avis partagés sur l'avenue ''Macky Sall''

Si de façon générale, le Dr Gueye comme d'autres apprécient l'africanisation des édifices publics, le dernier fait en date, à savoir l'attribution du nom du président sénégalais en exercice à une avenue reçoit un accueil mitigé.

Pour M Drame officier d'état civil dans la capitale, l'attribution de noms de Sénégalais a des édifices publics en remplacement de noms d'anciens administrateurs coloniaux est une question de fierté nationale et d'identité culturelle.

Quand vous allez en France, vous n'allez jamais voir une rue porter le nom d'un africain.

M.Drame

''Des personnages français comme jean Jaurès, Clemenceau, il y a encore des rues de Dakar qui portent leurs noms. Au nom de l'appropriation de notre culture et de notre histoire, je suis pour que ces rues-là soient rebaptisées'' plaide M Drame.

Celui-ci termine son propos en condamnant les critiques qui estiment que l'attribution du nom de Macky Sall à l'ancienne rue Faidherbe est purement politique.

Pour M. Yangane, dakarois, "l'idée de fond est bonne, mais pour le cas de Macky Sall, je pense que c'est une mesure politique parce que le maire de Ziguinchor Ousmane Sonko avait pris la même mesure pour plusieurs rues, mais le président Macky Sall a fait pression sur le préfet de la région afin de s'opposer à cette mesure. Sinon pourquoi accepte-t-il-ce qu'il a refusé aux autres?''

M. Diang Diallo va dans le même sens en remettant en question le choix porté sur l'actuel président sénégalais.

''Moi, je vois deux facettes, la connotation politique et culturelle. Je pense que Macky Sall n'est pas si populaire que ça pour qu'on donne son nom à une rue. Pour ce qui est de Faidherbe, compte tenu de son passif colonial, de ce qu'il a fait, a dit, vis-à-vis du peuple sénégalais, c'est normal qu'on retire son nom de nos édifices''.

Celui qui dit avoir écrit sur la question de l'appropriation de l'identité africaine, pense que dans le fond, la démarche vise à rendre à la jeunesse sa fierté et à lui donner de bons repères.

En plus du Sénégal, des pays comme le Gabon, le Burkina Faso ou encore la République Démocratique du Congo avant eux, ont choisi d'"africaniser'' les édifices qui portent encore les noms liés à la colonisation.

Au Burkina Faso par exemple, le boulevard général Charles de Gaulle à Ouagadougou a été rebaptisé le 15 octobre dernier ''boulevard Thomas Sankara''.

TRT Afrika