623 présumés cybercriminels ont été interpellés au Bénin pour les 6 premiers de l’année 2023 / Photo: Reuters

Par Rachida Houssou

Ces cybercriminels sont communément appelés "gayman". Quasiment, chaque semaine, des dizaines de présumés cybercriminels sont appréhendés.

Selon les derniers chiffres de l’Office Centrale de Répression de la Cybercriminalité (OCRC), l’unité de police spécialisée dans cette lutte, pour les 6 premiers de l’année 2023, 623 présumés cybercriminels ont été interpellés.

Les chiffres de l'OCRC indiquent que pendant la même période, 89 millions de francs CFA, 57 motos et 32 véhicules saisis. Le préjudice subi par les victimes est évalué à 741 millions de francs CFA.

Donatien SOKOU est le commissaire de l'OCRC, a promis de mettre or d'état de nuire les cybercriminels de son pays.

Escroquerie sans frontière .

Les cybercriminels s’en prennent à toutes les nationalités. C’est une arnaque sans frontières. Leurs modes opératoires sont multiples : don fictif en ligne, prêts fictifs en ligne, maraboutage et ''sextorsion''.

La méthode de la ''sextortion'' est actuellement la plus courante d’après le constat de la police béninoise.

Il s’agit d’une arnaque qui consiste à faire chanter des victimes en quête d’amour sur la base de leurs ''nudes''(vidéos contenant des images de personnes nues), des vidéos ou des photos originales ou tronquées par cybercriminels pour parvenir à leurs fins. "J’ai reçu une invitation d’une femme sur l’un des réseaux sociaux."

Mohamed, jeune nigérien de moins de 30 ans connaît cette mésaventure depuis plusieurs années. Il a accepté de nous confier la manière dont il est tombé dans ce piège sans fin.

"Une femme avec qui j’ai échangé pendant des mois, jusqu’à développer une amitié avec elle ; qui s'est transformée en relation amoureuse entre nous pendant quelques mois. Et un jour, on a décidé de s’appeler en vidéo. Et aussitôt (on n’a même pas fait une minute) et ça a coupé."

"Et un monsieur m’a écrit pour me dire qu’il m'a filmé en video et si je n’envoie pas telle somme, il va la publier et tous mes amis vont la voir " narre le jeune homme.

Ainsi démarre le calvaire de Mohamed. Chaque mois, il est tenu d’envoyer de l'argent à ce cyber-criminel qui s’est fait passer pour une femme.

Mohamed dit avoir ensuite, à plusieurs reprises, bloqué son bourreau des réseaux sociaux. Cependant, celui-ci le re-contacte avec d’autres identifiants, confie-t-il à bout de souffle.

En tout il dit avoir dépensé près de 500 mille CFA dans ce chantage toujours en cours.

''Les gros poissons''

Les escrocs en ligne n’ont pas que les personnes physiques dans leurs viseurs. Ils attaquent aussi des entreprises qui devraient leur servir de passerelles pour atteindre un grand nombre de victimes.

Le spécialiste de la cybersécurité Ouanilo MEDEGAN FAGLA explique que plusieurs cybercriminels ont tenté de s’introduire dans le système de Pôle emploi en France, afin de recueillir frauduleusement les identifiants des personnes enregistrées dans cette structure publique.

Ces attaques des cybercriminels jettent du discrédit sur l’image du Bénin à l’extérieur.

Le gouvernement béninois s'est donc engagé dans une chasse aux cybercriminels.

1186 de personnes sont derrière les barreaux pour cybercriminalité, détaille le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme.

Même depuis les prisons, certains escrocs opèrent.

C’est le cas d’un jeune homme qui, déjà en prison, parvient à vider les comptes de plus d’une soixantaine de points de transfert par mobile money.

Ce dernier aurait bénéficié de la complicité des gardes pénitentiaires. La justice tente d’élucider leur implication ou non à travers lors de son procès qui s’est ouvert il y a une dizaine de jours.

Possibilité de récupérer les cybercriminels…

L’acteur de la société civile, Joel ATAYI GUEDEGBE salue la volonté du gouvernement d’en découdre avec ce fléau. Toutefois, il s’interroge comme beaucoup d’autres sur la possibilité de reconversion professionnelle de ces personnes incarcérées pour cybercriminalité.

Joël ATAYI GUEDEGBE,consultant indépendant, acteur de la société civile béninoise.

''Au-delà des dommages causés par ce type de crimes, la question se pose de savoir comment ré-éduquer ces individus et les orienter vers le bon chemin?, se demande cet acteur de la société civile qui estime que les prisons sont déjà peuplées pour y incarcérer, ce grand nombre de nouveaux prisonniers chaque semaine.

TRT Afrika