TotalEnergies CGT

La société française TotalEnergies, anciennement appelée ELF puis Total, devra répondre des accusations d'homicides involontaires et de non-assistance à personne en danger lors de l'attaque terroriste de Palma au Mozambique il y a 3 ans.

La société menait un méga-projet gazier dans la région où a eu lieu cette attaque qui a fait plusieurs centaines de morts. Ce sont justement des survivants de cette attaque ou les proches des disparus qui ont porté plainte contre la multinationale française.

Le parquet de Nanterre, près de Paris, a indiqué à l'Agence France-Presse avoir ouvert une enquête pour apprécier "l'opportunité d'une poursuite, d'un classement ou d'investigations plus poussées".

"C'est une avancée positive et nous sommes heureux que le procureur français ait réagi rapidement en prenant en considération nos demandes", a commenté Nicholas Alexander, plaignant sud-africain rescapé de l'attaque, qui dénonce la "part de responsabilité" du pétrolier.

"Nous saluons la décision du parquet en France", a pour sa part réagi Anabela Lemos de Justiça Ambiental, militante des Amis de la Terre au Mozambique.

Elle affirme que "les impacts négatifs et le comportement imprudent de Total au Mozambique vont bien au-delà de ces journées de mars 2021" et espère que l'ouverture de cette enquête "marque une première étape positive pour tenir cette entreprise responsable des morts et destructions causées".

Contacté par l'Agence France-Presse, un porte-parole de TotalEnergies a renvoyé vers ce qu'avait déclaré le groupe au moment du dépôt de plainte, en octobre 2023.

L'entreprise avait alors tenu à "rejeter fermement ces accusations" et à "rappeler l'aide d'urgence que les équipes de Mozambique LNG", nom du méga-projet, "ont apportée et les moyens qu'elles ont mobilisés afin de permettre l'évacuation de plus de 2.500 personnes" du site d'Afungi, à une dizaine de kilomètres du centre de Palma.

La plainte visant le géant français s'appuie sur deux rapports de sociétés de consulting, établis a posteriori, qui ont souligné l'absence de mesures de prévention.

Pour ce qui est de la "non-assistance", Total est accusé d'avoir refusé de fournir du carburant à une société militaire privée sud-africaine, DAG, qui avait commencé à évacuer des gens de l'Amarula Lodge par hélicoptère, mais a dû stopper, selon Me Thulliez.

TotalEnergies assurait en octobre avoir fourni aux autorités du carburant pour les opérations d'évacuation, mais avoir exclu tout soutien à DAG, alors accusée d'"exactions contre la population civile".

"Le danger était pourtant connu, plusieurs villages avaient été attaqués avant l'attaque de Palma", avait affirmé Me Henri Thulliez, un des avocats des plaignants (trois survivants et quatre ayants droit de deux victimes, de nationalités sud-africaine et britannique).

En 2019, une entreprise concurrente de TotalEnergies, Exxonmobil, avait d'ailleurs renoncé à investir dans le projet et rapatrié son personnel.

L'attaque de Palma, revendiquée par le groupe Daech, avait débuté le 24 mars 2021. Elle avait duré plusieurs jours et fait un nombre encore indéterminé de victimes à ce jour dans la population locale et parmi les sous-traitants de TotalEnergies.

Si Maputo n'a dénombré qu'une trentaine de victimes, selon l'enquête sur place du journaliste indépendant Alexander Perry, le bilan s'élève à 1.402 civils décédés ou disparus, dont 55 sous-traitants.

L'attaque avait entraîné la suspension du projet Mozambique LNG, mené par TotalEnergies et chiffré à 20 milliards de dollars.

Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, avait indiqué courant 2023 qu'il espérait le relancer avant la fin de l'année.

L'attaque minutieusement préparée sur Palma, ville de 75.000 habitants, a marqué une intensification dans une guérilla lancée en 2017 par des groupes terroristes, connus localement sous le nom d'al-Shabab.

Les combats ont fait depuis plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés dans cette province, Cabo Delgado, riche en gaz naturel.

Cette enquête s'ajoute aux autres procédures judiciaires dans lesquelles TotalEnergies est mis en cause. En juin, 26 Ougandais et des associations ont lancé une action civile à Paris pour demander "réparation" de divers préjudices en lien avec deux mégaprojets en Afrique de l'Est. Des associations ont également déposé une plainte pénale en septembre à Nanterre sur la responsabilité climatique de TotalEnergies.

TRT Afrika et agences