Eléctions en RD Congo / Photo: AP

Samedi soir, sur 17,8 millions de voix comptabilisées, Félix Tsh isekedi, 60 ans, au pouvoir depuis janvier 2019 et candidat à un second mandat de cinq ans, était crédité de 72% des suffrages.

Suivaient Moïse Katumbi, riche homme d'affaires et ancien gouverneur du Katanga (sud-est), avec 18,9% des voix, Martin Fayulu, candidat malheureux à la présidentielle de 2018 (5,5%) et l'ancien Premier ministre (2008-2012) Adolphe Muzito (1,36%).

La vingtaine d'autres candidats, dont Denis Mukwege, prix Nobel de la paix pour son action auprès des femmes victimes de viols de guerre, n'atteignaient pas 1% des voix.

"Nous n'accepterons jamais ce simulac re d'élections et ces résultats", fruits d'une "fraude organisée", déclarait cette semaine Martin Fayulu, alors que la police venait d'empêcher une première manifestation de contestation.

La performance de Félix Tshisekedi est "au-delà de toutes les prévisions", note Trésor Kibangula, analyste politique à l'institut de recherche Ebuteli. "Sa dynamique de campagne a fonctionné", déclare-t-il à l'AFP.

Mais les scores très élevés enregistrés dans certaines régions "interrogent" sur "l'impact des irrégularités" constatées par les observateurs.

Près de 44 millions d'électeurs, sur un total d'environ 100 millions d'habitants de l'immense pays d'Afrique centrale, étaient appelés aux urnes pour élire leur président mais aussi leurs députés nationaux et provinciaux et, pour la première fois, leurs conseillers locaux.

Le quadruple scrutin était prévu le 20 décembre.

Mais en raison de nombreux problèmes logistiques, il a été étendu au 21 par la Céni et s'est poursuivi plusieurs jours dans certaines zones reculées, jusqu'au 27 selon une mission d'observation des Eglises catholique et protestante.

"Beaucoup d'incertitudes"

Selon son propre comptage, cette mission dit avoir constaté qu'un candidat s'est "largement démarqué des autres, avec plus de la moitié des suffrages à lui seul". Elle ajoute cependant avoir "documenté de nombreux cas d'irrégularités susceptibles d'affecter l'intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits".

Depuis le début du processus, les opposants accusent le pouvoir de planifier la fraude et, dès le 20 décembre, avaient qualifié les élections de "chaos total".

Peu après, une quinzaine d'ambassades appelaient à la "retenue".

Des tensions post-électorales sont redoutées, dans un pays à l'histoire politique agitée et souvent violente, au sous-sol très riche en minerais mais à la population majoritairement pauvre.

Les autorités affirment que toutes les dispositions ont été prises pour prévenir les débordements, notamment dans le sud-est minier, fief électoral de Moïse Katumbi.

Elles rappellent aussi que les contentieux électoraux doivent être portés devant la Cour constitutionnelle, à qui il reviendra de proclamer les résultats définitifs de la présidentielle, en principe le 10 janvier.

Mais des opposants ont fait savoir qu'ils ne saisiraient pas cette cour en laquelle il n'ont aucune confiance, pas plus que dans la Céni qu'ils estiment inféodée au pouvoir.

Dans ces conditions, que va faire l'opposition? "Réactiver la rue contre la victoire de Félix Tshisekedi serait très compliqué, surtout à Kinshasa", estime Trésor Kibangula. "Les regards se tournent vers le sud-est... Il y a beaucoup d'incertitudes", dit-il.

En plus du climat politique tendu, la campagne électorale a été empoisonnée par la situation sécuritaire dans l'est de la RDC, qui connaît un pic de tension depuis deux ans avec la résurgence de la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda voisin.

Certains candidats, Moïse Katumbi en particulier, ont été accusés d'être des "étrangers", une manière de les discréditer dans un pays meurtri par des années de conflits. Selon l'analyste d'Ebuteli, les discours identitaires de la campagne ont "créé des cassures dans la société congolaise". Reste à savoir comment le président élu va "gérer la suite".

AFP