Le président élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, s'exprime lors d'une conférence de presse à Dakar / Photo : Reuters

M. Faye, qui a eu 44 ans lundi, libéré de prison il y a dix jours seulement, s'est présenté comme le "choix de la rupture". Il va devenir le cinquième et plus jeune président de ce pays ouest-africain de 18 millions d'habitants après la reconnaissance lundi par son principal adversaire de sa victoire dès le premier tour de la présidentielle, qui s'apparente à un séisme politique.

"Je voudrais dire à la communauté internationale, à nos partenaires bilatéraux et multilatéraux que le Sénégal tiendra toujours son rang, il restera le pays ami et l'allié sûr et fiable de tout partenaire qui s'engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive", a-t-il dit dans une déclaration devant la presse.

Sur le plan intérieur, M. Faye a indiqué que ses "chantiers prioritaires" seraient "la réconciliation nationale", la "refondation des institutions" et "l'allègement sensible du coût de la vie".

"Je m'engage à gouverner avec humilité, dans la transparence, à combattre la corruption à toutes les échelles", a-t-il déclaré.

En douze présidentielles au suffrage universel, c'est la première fois qu'un candidat de l'opposition l'emporte dès le premier tour.

"Les gens ont soif de changement quand on voit ce qui se passe dans ce pays en matière de corruption, de non-respect du droit, et celui qui incarnait le plus ce changement, c'est Ousmane Sonko", l'opposant qui a adoubé M. Faye pour le suppléer après avoir été disqualifié de la présidentielle, explique à l'AFP El Hadji Mamadou Mbaye, enseignant-chercheur à l'université de Saint-Louis.

Ce dernier parle de vote "émotif" plus que de raison, notamment de la part des jeunes.

M. Faye était donné largement vainqueur de l'élection sur la base de résultats provisoires publiés dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais sa victoire restait suspendue à la reconnaissance par le candidat du pouvoir Amadou Ba, en l'absence de publication officielle de résultats agrégés, qui devrait prendre encore quelques jours.

M. Ba a admis sa défaite lundi et appelé son adversaire pour le féliciter. Le président sortant Macky Sall a également félicité le vainqueur.

"Amitié" américaine"

Après trois années d'agitation et de crise, le scrutin s'est déroulé sans incident majeur. En dépit des tensions des dernières années et d'un report de dernière minute de l'élection, c'est la troisième fois que le Sénégal pratique l'alternance dans les urnes depuis son indépendance de la France en 1960, alors qu'une succession de coups d'Etat a installé chez ses voisins des régimes militaires renvoyant les élections à une date indéterminée.

La confusion qui a précé dé l'élection a donné lieu à de multiples expressions d'attachement à la pratique démocratique.

"L'engagement du peuple sénégalais en faveur du processus démocratique fait partie des fondements de notre profonde amitié et de nos liens bilatéraux forts", a réagi le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller.

Le scrutin a été suivi avec attention à l'étranger, le Sénégal étant considéré comme l'un des pays les plus stables d'Afrique de l'Ouest, secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l'Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.

Le président français Emmanuel Macron a félicité lundi soir Bassirou Diomaye Faye dans un message sur X. "Je lui adresse tous mes voeux de réussite et me réjouis de travailler avec lui", a-t-il écrit.

"Souveraineté"

Bénéficiant d'une loi d'amnistie, M. Faye est sorti de onze mois d'emprisonnement dix jours avant l'élection, en même temps que son guide et chef de leur parti dissous, Ousmane Sonko.

M. Faye se veut le "candidat du changement de système" et d'un "panafricanisme de gauche". Son programme insiste sur le rétablissement de la "souveraineté" nationale, bradée selon lui à l'étranger. Il a promis de combattre la corruption, de mieux répartir les richesses et s'est engagé à renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers conclus avec des compagnies étrangères.

Le Sénégal pourrait commencer à produire du gaz et du pétrole en 2024.

Le pays a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles causés par le bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir, conjugué aux tensions sociales. La pauvreté frappe au moins un Sénégalais sur trois, et le chômage touche au moins 20% de la population active.

Le pay s a plongé dans l'une de ses plus graves crises depuis des décennies après que le président Sall eut décrété, le 3 février, un report de la présidentielle prévue trois semaines plus tard.

Les troubles ont fait des dizaines de morts en trois ans et donné lieu à des centaines d'arrestations.

AFP