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AFRIQUE
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Burkina Faso : une guérisseuse sème la zizanie dans l'appareil d'Etat
Une bonne partie de la société civile condamne  une "immixtion" de l’exécutif dans le judiciaire après qu'une guérisseuse, placée sous mandat de dépôt, a été enlevée par un commando armé "sur ordre du ministre de la Justice" entre autres.
Burkina Faso : une guérisseuse sème la zizanie dans l'appareil d'Etat
La guérisseuse Amsétou Nikiéma ''Adja'' en pelıen traıtement   / Photo: AFP / AFP
2 août 2023

Par Fırmaın erıc MBADINGA

''La guérisseuse de Komsilga'' c’est le nom de l’affaire qui défraie la chronique depuis des semaines au Burkina Faso. Elle est sur toutes les lèvres à Ouagadougou.

L'Affaire est digne d'un feuilleton de Nollywood et les faits se déroulent dans capitale burkinabè. Le 29 juillet dernier, alors que la guérisseuse qui répond au nom de Amsétou Nikièma et plus connu sous l’appellation de ‘’Adja‘’ venait d’être placée sous mandat de dépôt pour ''coups et blessures et pour séquestration'', cette dernière a été enlevée des mains des services judiciaires par un commando armé.

Selon les informations relayées par la presse burkinabè, l’ordre de libération manu militari, aurait été donné par le Directeur général de l’administration pénitentiaire et le ministre de la justice et des droits humains.

Une initiative que semblent ne pas comprendre les membres de la société civile burkinabè qui multiplient depuis les appels au respect du principe d’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs.

Les chefs d’accusation

Tout est parti d'une vidéo, début juillet, montrant un homme en train de se faire battre par plusieurs jeunes, qui a alerté les services judiciaires.

La vidéo qui se partageait d’un téléphone à l’autre s'est retrouvée sur certains médias sociaux. Ce qui a poussé le bureau du procureur du Faso près le tribunal de grande instance, Ouaga II, à ouvrir une enquête.

Et le 28 juillet dernier, le même bureau a annoncé l’arrestation d'une dizaine personnes dont la guérisseuse.

Après les premières auditions des prévenus, les enquêteurs ont établi que la victime qui souffre de troubles mentaux, avait été accusée d’avoir ''profané un lieu sacré de la guérisseuse''.

Ces faits ont valu à la guérisseuse et ses aides-soignants une inculpation pour "séquestration, coups et blessures et complicité".

Après l’audition à la police et le déferrement devant le tribunal de grande instance Ouaga II, une mise sous mandat de dépôt a été arrêtée par le procureur.

C’est au moment du transfert de la guérisseuse vers un lieu de détention en attendant la suite de la procédure judiciaire que Nikièma, 20 ans, a été exfiltrée.

L’exfiltration

Selon la descrıption qui a été faite par le procureur du Faso près le tribunal de grande instance Ouaga II lui-même, les faits ont commencé dans le soir du 28 juillet.

Ce jour, au Tribunal de Grande Instance Ouaga II dans la soirée, deux véhicules de type pickups et un autre lourd et blindé avec à leur bord des militaires encagoulés et armés ont fait leur apparition et ont enlevé la jeune guérisseuse.

Ces hommes armés ont été décrits comme des agents de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), par les nombreux témoins présents lors des faits.

Le procureur, tout comme la société civile burkinabè, affirment que ces derniers ont reçu leur ordre du Directeur général de l’administration pénitentiaire et du ministre la justice et des droits humains, qui depuis début de l’affaire n’ont apporté aucun démenti.

Laurent Poda,le procureur général du Faso,avait affirmé dans un communiqué que '' le tribunal avait été encerclé par des militaires en armes, (venus exiger) qu'on leur remette Adja, ce qui a été fait’’.

Les réactions

De l’avis de Souleymane Ouédraogo, membre la coordination nationale du Balai Citoyen (mouvement issu de la société civile du Burkina Faso), cette affaire est inacceptable.

''Que ce soit le procureur Général, le syndicat des magistrats, le conseil supérieur de la magistrature, toutes ces entités sont montées au créneau pour exiger du gouvernement la légalité, le retour de la dame auprès des instances judiciaires", a -t-il déclaré à TRT Afrika.

"Pour notre part, nous avons condamné sans ambages, nous avons exigé que la lumière, soit faire sur cet évènement, qu'il y ait des sanctions vis-à-vis de ceux qui se sont mis en porte-à-faux avec la loi, et nous avons appelé à ce que la dame retourne en détention", a t-il poursuivi.

Pour Souleymane OUÉDRAOGO ce scénario n’a été possible que parce que ''la guérisseuse de Komsilga'' bénéficie, selon lui, de soutiens dans les plus hautes sphères de l’Etat.

Après cette exfiltration, de nombreux témoignages affirment que la guérisseuse a été reconduite à Komsilga, sa commune où elle aurait été accueillieavec faste et aurait repris ses activités.

La ''guérisseuse de Komsilga'' s’est fait connaître à travers tout le pays grâce à des prétendus pouvoirs surnaturels qui lui permettraient entre autres de soigner des malades, y compris les malades mentaux.

" Aujourd'hui, je ne sais même pas pourquoi Dieu m'a donné du pouvoir jusqu'à ce point. Si je me lève et dis que je veux ceci, il me le donne. Si je vois quelqu'un qui est malade, si je dis que je vais l'aider, il aide la personne," avait-elle déclaré dans des propos relayés par la presse locale.

En ce qui concerne le malade violenté dans la vidéo qui a constitué la principale pièce à conviction, ses proches affirment que sa vie est désormais hors de danger, après avoir été admis en soins intensifs suite à son passage à tabac.

SOURCE DE L'INFORMATION:TRT Afrika