A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante. Photo : TRT Afrika

Par Kudra Maliro

Vous le voulez sous forme de godasse, d’un micro, d’une bible…Elvis Nso Ndeh est là pour réaliser vos souhaits.

Cet homme de 43 ans qui rêvait de devenir un médecin a fini dans la menuiserie.

Autrefois ville prospère du Cameroun, Bamenda a été vidée de son âme par une guerre de scission.

La plus importante ville du Nord-Ouest est le théâtre depuis six ans d’un conflit entre des séparatistes anglophones, qui souhaitent obtenir l’indépendance des deux régions anglophones du pays, et le forces armées camerounaises.

Elvis Ndeh rêvait de devenir un médecin a fini dans la menuiserie. photo : TRT Afrika

Les affrontements ont fait plusieurs victimes et contraints des habitants à quitter cette zone. Ce conflit en cours a paralysé l’économie de Bamenda, entre autres villes.

A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante.

Des entreprises de pompes funèbres poussent comme des champignons. "C'est une bénédiction d'être enterré, et surtout par sa famille et ses proches", explique à TRT Arika Arnaud Kouamo, journaliste camerounais basé à Bamenda.

La demande étant forte, M. Ndeh et beaucoup d’autres menuisiers de la ville se consacrent désormais à plein temps à la fabrication des cercueils personnalisés, s’inspirant de leurs collègues du Ghana où les festivités des funérailles définissent le statut social du défunt.

A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante. Photo : TRT Afrika

Un business florissant

"J'ai rencontré une femme qui possédait une machine simple et qui travaillait également dans le domaine des cercueils, j'ai donc commencé à travailler comme ambulancier et à fabriquer des cercueils. Et personnaliser des cercueils est devenu ma passion", déclare M. Ndeh à TRT Afrika.

Bamenda compte environ 594 mille habitants. Malgré le faible revenu de la population, certains sont prêts à dépenser jusqu’à 3 500 dollars américains pour un cercueil personnalisé afin d’honorer un parent ou un proche décédé.

A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante. Photo : TRT Afrika

Des cercueils somptueux sous différentes formes : un microphone, une chaussure, une bible, un véhicule, une bouteille de bière …pour refléter les intérêts, le style de vie ou les dernières volontés du défunt.

"Je conçois toutes sortes de dessins, par exemple des microphones, des bibles, des voitures, des maisons, en fait tout ce dont vous avez besoin, je peux vous le donner. Je peux également réaliser des dessins de lions, de tigres ou d'éléphants" confie M. Ndeh.

Plusieurs habitants de Bamenda se sont confiés à TRT Afrika, se disant fiers de ce nouveau rituel qui "donne la chance au défunt de reposer en paix avec son outil de travail. Ses collègues se sentent honorés de l’accompagner dans sa dernière deumeure dans ce type de cercueil".

"J’avais perdu mon frère il y a quelques années. C’était un chauffeur de métier. Nous, sa famille, lui avions déjà fabriqué un cercueil classique mais ses collègues ont débarqué au lieu du deuil avec un cercueil à la forme d’un véhicule. Cela nous avait à la fois beaucoup touchés et amusés", se souvient Dingana Raymond.

"Cela montre le respect et l’amour de ses collègues malgré la mort. J’ai le sentiment que mon frère repose en paix dans ce cercueil car il aime les véhicules. J’espère qu’il est content là où il est en ce moment" ajoute M. Dingana.

A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante. Photo : TRT Afrika

En juin 2022, le Cameroun a perdu l’une de ses anciennes gloires du football. Nguéa Jacques, ancien Lion Indomptable est décédé à l’âge de 67 ans.

La presse locale rapporte que l’ancien capitaine de l’équipe nationale et actuel président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT), Samuel Eto’o, lui avait offert un cercueil à la forme d’une godasse estimé à plusieurs milliers de dollars américains pour lui rendre hommage.

Mais cette trouvaille (le cercueil personnalisé) fait grincer quelques dents. Ses pourfendeurs accusent M. Ndeh et ses collègues du secteur de faire du business sur le dos des morts.

A Bamenda, presque tous les secteurs d’activités tournent au ralenti, sauf l’industrie du cercueil. Celle-ci est plutôt florissante. Photo : TRT Afrika

Mais, M. Ndeh, lui, se frotte les mains. Ses affaires lui ont permis de construire une villa, de s’acheter de belles voitures et d’agrandit son atelier de fabrication de cercueils. Il a balayé d’un revers de la main les accusations de ses détracteurs.

"Je ne souhaite pas la mort à quelqu’un. Malheureusement ça arrive et les proches viennent commander des cercueils chez moi. Je pense qu’on devrait plutôt louer mon travail, j’aide les familles endeuillées à enterrer leurs proches avec dignité", conclut M. Ndeh Nso.

TRT Afrika