L'armée israélienne montre ce qu'ils disent être un missile balistique iranien qu'ils ont récupéré dans la mer Morte après que l'Iran ait lancé des drones et des missiles en direction d'Israël, à la base militaire de Julis, dans le sud d'Israël, le 16 avril 2024. REUTERS/Amir Cohen

Par Burak Elmali

Le 13 avril, l'Iran a réagi au bombardement par Israël, le 1er avril, de son consulat à Damas, au cours duquel sept membres des Gardiens de la révolution, dont deux généraux, ont perdu la vie.

Les représailles de l'Iran, lancées depuis son territoire, ont impliqué des dizaines de drones et de missiles de croisière. Même si les munitions étaient numériquement impressionnantes, elles ont presque toutes été interceptées par le dôme de fer israélien et les systèmes de défense aérienne alliés, sans faire de victimes.

Les partisans de Téhéran dans la région soulignent que c'est la première fois que l'Iran vise directement Israël sans recourir à ses mandataires régionaux. Indépendamment de l'impact d'une telle décision sur le mode opératoire de Téhéran, cet épisode a fait de nombreux gagnants et perdants.

Deux gagnants

Le plus grand gagnant de cette décision est Israël, et plus particulièrement le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Ces dernières semaines, M. Netanyahu a irrité bon nombre de ses partisans habituels dans les cercles politiques occidentaux.

Il a saisi l'occasion offerte par les représailles de l'Iran pour rafraîchir la promesse occidentale de continuer à soutenir Israël militairement et politiquement.

En adressant ce message aux États-Unis et aux principaux pays européens, qui soutiennent Israël sans faille depuis le début de la guerre, M. Netanyahou a réussi à détourner les discussions sur son sort politique et sur son entreprise génocidaire à Gaza, qui a suscité le mois dernier de vives critiques de la part du chef de la majorité au Sénat américain, Chuck Schumer.

L'Iran est sorti vainqueur en sauvant sa réputation ternie aux yeux de son public national et de ses sympathisants dans tout le Moyen-Orient. Si l'Iran n'avait pas riposté à l'attaque d'Israël ou s'il s'était contenté de l'effleurer par quelques frappes hautement symboliques du Hezbollah dans le nord d'Israël, sa crédibilité aurait été sérieusement remise en question et son prétexte classique consistant à "éviter une escalade régionale" n'aurait pas fonctionné.

Pour l'Iran, cette mesure visant à sauver la face semblait résoudre le problème. De plus, l'Iran a réaffirmé que ses représailles étaient une réponse à l'attaque du consulat, faisant référence à l'article 51 de la Charte des Nations unies dans sa déclaration, maintenant ainsi son engagement à éviter la guerre à Gaza, comme promis aux États-Unis dans les semaines qui ont suivi le 7 octobre.

Elle a donc positionné cette action en dehors du contexte du conflit israélo-palestinien et a souligné que les représailles devaient être perçues comme telles.

Qui est le perdant?

Les civils confrontés à la campagne génocidaire d'Israël à Gaza sont du côté des perdants, car cet épisode a détourné l'attention du monde et redirigé le rôle du méchant vers l'Iran.

Des questions et des spéculations surgissent sur d'éventuelles frappes israéliennes sur les sites nucléaires iraniens et sur la manière dont l'Iran pourrait répondre à de telles attaques ou sur la manière dont il maintiendra son poids régional sur le terrain par l'intermédiaire de ses mandataires en Syrie et en Irak.

Ces discussions déplacent les projecteurs de Gaza vers un autre sujet et risquent de réduire l'attention et la sensibilisation des médias occidentaux aux victimes civiles et à divers autres crimes de guerre. Téhéran a donc été joué par Tel-Aviv, offrant à ce dernier une soupape d'échappement bien nécessaire dans la guerre des récits qu'Israël était en train de perdre.

En outre, Israël, rassuré par le parti pris pro-israélien de l'Occident, pourrait se sentir libre de commettre de nouveaux crimes de guerre.

Le trio inséparable

Si les représailles de l'Iran n'ont peut-être pas constitué une réponse complète à l'attaque du consulat israélien, elles ont néanmoins permis à l'Iran de gagner en réputation auprès de ses sympathisants dans la région, en particulier au sein de ce que l'on appelle l'Axe de la résistance.

Téhéran a renforcé son image d'acteur capable de frapper directement Israël, exploit qui n'a été accompli que par Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe de 1990-1991.

De même, l'enhardissement de Téhéran permet à Israël de s'assurer un soutien politique et militaire constant de la part de l'Occident, garantissant ainsi le maintien de la présence américaine.

Cette liaison tripartite en dit long sur la géopolitique régionale, soulignant à quel point le trio inséparable, représenté par les États-Unis, l'Iran et Israël, est préjudiciable à la cause palestinienne.

Bien que l'Iran ait affirmé que ses représailles étaient en partie une réponse à l'assaut israélien sur Gaza, elles ont en fait joué dans le sens de la narration souhaitée par Israël.

En outre, cette situation fournit également des prétextes aux États-Unis pour maintenir leur empreinte militaire dans la région en dépit de leur discours de retrait, qui est populaire parmi de nombreux groupes d'intérêt américains.

La réponse de l'Iran s'apparente à une intrigue de film occidental, caractérisée par des manœuvres complexes. Un acteur fait naître un sentiment de danger chez un autre sans lui infliger de dommages réels.

Par la suite, l'acteur perçu comme menacé fait appel à une tierce partie pour jouer le rôle du shérif, offrant sa protection et rétablissant l'équilibre.

Entre-temps, Téhéran a acquis une meilleure réputation auprès de son public cible dans la région, même si les objectifs de l'Iran, communiqués par l'intermédiaire de ses mandataires, à savoir le retrait des États-Unis du Moyen-Orient et la fin de l'oppression israélienne contre la Palestine, n'ont toujours pas été atteints.

Au Moyen-Orient, rien n'est ce qu'il semble être. Ce qui apparaît aux yeux des profanes comme des ennemis acharnés peut être, en fait, une situation dans laquelle ces protagonistes sont alignés sur leurs intérêts, même si leurs objectifs déclarés semblent contradictoires.

L'auteur est chercheur au Centre de recherche TRT World, basé à Istanbul, Turquie.

Avertissement : les opinions exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.

TRT World