L’Histoire offre des leçons saisissantes sur la grandeur des civilisations. Au XIVe siècle, l’empereur Mansa Moussa effectua un pèlerinage légendaire vers La Mecque avec une caravane chargée d’or. Sa générosité fit chuter le cours du métal précieux dans tout le bassin méditerranéen pendant une décennie. Le Mali incarnait alors le cœur battant de la richesse mondiale.
Pourtant, ce sol gorgé de richesses a abrité, au tournant du XXIe siècle, une population en proie au dénuement. Ce paradoxe insupportable touche enfin à sa fin. Le 24 novembre 2025 marque le point de bascule d’une ère nouvelle pour le continent. Le gouvernement de transition, dirigé par le colonel Assimi Goïta, orchestre une révolution stratégique majeure.
Cette reprise en main souveraine du destin minier national redéfinit les rapports de force mondiaux. Le bras de fer avec les géants miniers symbolise l’effondrement de l’ère de la prédation incontrôlée. Bamako incarne désormais le réveil du “nationalisme des ressources” face aux appétits extérieurs. Les chiffres récents confirment la tectonique des plaques économiques.
Des revenus miniers qui explosent
Durant des décennies, le code minier en vigueur au Mali a privilégié exclusivement les intérêts étrangers. L’État malien se contentait de percevoir des taxes minimes sur l’exploitation de ses terres. Avec une production industrielle d'environ 60 tonnes par an, le pays demeurait pauvre. La richesse partait vers Toronto, Londres ou Perth.
Le nouveau code minier, adopté le 8 août 2023 et promulgué sous le numéro 2023-040, bouleverse radicalement cette architecture. L’État s’octroie désormais le droit de détenir jusqu’à 30 %, voire 35 % des intérêts dans les projets. Ce chiffre inclut une participation gratuite de 10 % et une option d'achat supplémentaire de 20 %.

L’impact financier est immédiat et spectaculaire. Selon les chiffres officiels du ministère des Mines, cette loi a déjà fait bondir les recettes minières de l’État de 52,5 % en 2024. Elles sont passées de 547,6 à 835,1 milliards de francs CFA. L’or devient ainsi le levier mathématique de la souveraineté.
Une leçon à 430 millions de dollars
L’affrontement avec le géant Barrick Gold sur le complexe Loulo-Gounkoto illustre cette fermeté étatique. Bamako a exigé le paiement des arriérés d’impôts avec une fermeté d’acier. Le gouvernement a refusé tout compromis sur l'application rétroactive des nouvelles normes.
Le dénouement de cette crise envoie un message retentissant. Le 24 novembre 2025, un protocole d’accord historique a été signé à Bamako. La multinationale s’est engagée à verser immédiatement 244 milliards de francs CFA (environ 430 millions de dollars).
Cette somme rembourse les arriérés fiscaux et douaniers accumulés entre 2018 et 2024. L'accord ouvre également la voie à des dividendes annuels estimés à 90 milliards de francs CFA. Ce montant colossal atteste de la validité de la stratégie malienne.
L’État malien agit en partenaire exigeant, conscient de la valeur de son sous-sol. Les multinationales intègrent désormais une vérité financière incontournable. L’accès aux richesses de l’Afrique passe impérativement par le respect absolu de l’Afrique.
Cette dynamique s’étend naturellement à l’Alliance des États du Sahel (AES), confédérée depuis juillet 2024. Le Burkina Faso et le Niger suivent les succès de leur voisin avec une attention soutenue. Une harmonisation rapide des politiques minières se dessine pour renforcer leur position commune.
Ces trois nations contrôlent ensemble une part significative des réserves mondiales d’or et d’uranium. En agissant de concert, elles acquièrent le pouvoir d’influencer les cours mondiaux des matières premières. Elles brisent ainsi l’isolement qui permettait aux multinationales de les mettre en concurrence.
L’or du Sahel devient le bouclier financier commun face aux turbulences économiques mondiales. Les réserves d’or physiques stockées à Bamako, Ouagadougou et Niamey garantissent la solidité d’une future monnaie commune. La matière première se transforme en matière première de liberté politique.
L’impératif de la transformation locale de l’or
Le gouvernement refuse désormais l’exportation aveugle de la matière brute. L’or représente encore près de 80 % des recettes d’exportation du pays, ce qui constitue une dépendance à corriger. La transformation locale s'impose comme une priorité absolue.
Symbole concret de cette ambition, les autorités ont posé en juin 2025 la première pierre de l’extension de la raffinerie de Sénou. Cette infrastructure est destinée à traiter localement une part croissante de la production nationale. Elle permet enfin de capter la valeur ajoutée sur le sol malien.
Le contenu local est également renforcé par le décret n° 2024-0397 du 9 juillet 2024. Ce texte oblige les opérateurs à réserver entre 35 % et 51 % des contrats de sous-traitance à des entreprises maliennes.
Cette mesure vise à capter 60 à 80 % des 2 000 milliards de francs CFA dépensés chaque année dans le secteur. Le Mali renforce ainsi le transfert de compétences et de richesses vers son secteur privé national.
Dimension culturelle et bien-être social
Il convient également de souligner la dimension culturelle, souvent ignorée par les analyses purement économiques. Dans l’imaginaire ouest-africain, l’or revêt une charge symbolique liée aux esprits de la terre. L’exploitation industrielle intensive a trop souvent profané ce lien sacré avec l’environnement.
La reprise en main par l’État porte une exigence forte de réparation écologique. Le nouveau code minier impose des obligations strictes concernant la réhabilitation des sites exploités. Le respect des communautés locales, gardiennes de la terre, redevient central dans les projets.
Les revenus générés alimentent désormais la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’infrastructures. Le peuple voit la “couleur de son or” dans l’amélioration de son quotidien. Transformer une richesse géologique en bien-être social tangible demeure l’objectif ultime.
Malaise des capitales occidentales
Cette affirmation de souveraineté provoque une inquiétude palpable dans les anciennes métropoles. Elles observent l’effondrement de leur modèle d’approvisionnement à bas coût. Le nationalisme des ressources” remet en cause le confort stratégique de l’Europe.
L’Occident se voit contraint de payer le juste prix pour les ressources africaines. Cette réalité réduit les marges bénéficiaires des grandes entreprises cotées en bourse. Une campagne médiatique virulente cible en conséquence les gouvernements de l’AES.
Aux yeux de l’ordre ancien, l’acte le plus dérangeant de Bamako réside dans la réappropriation de ses ressources. Bamako tient bon face aux pressions, fort du soutien de sa population. Le Mali démontre sa capacité à résister aux diktats lorsque l’intérêt national prime.
Le Mali ouvre une voie inédite et son exemple inspire le continent, du Tchad à la Tanzanie. Les pays producteurs mettent en lumière l’ampleur de leur pouvoir stratégique. La transition énergétique mondiale dépend étroitement du cobalt, du lithium et de l’or africains.
Le rapport de force s’inverse inéluctablement en faveur des détenteurs de matières premières. Le vendeur dicte désormais ses conditions sur le marché international. Bamako devient le laboratoire de cette Afrique nouvelle qui négocie d’égal à égal.
Les caravanes de Mansa Moussa demeurent spirituellement présentes, et elles s’ancrent désormais sur le sol du pays. Elles servent à bâtir la cité, à éduquer la jeunesse et à structurer l’État. Dans les mines de Syama ou de Loulo, la pioche résonne comme un hymne à la liberté.













