Par La Rédaction
Les chefs d’État de l’AES (Alliance des États du Sahel), regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, se réunissent du 22 au 23 décembre à Bamako, la capitale malienne, pour leur deuxième sommet.
Deux ans après la signature de la charte du Liptako-Gourma ayant donné naissance à l’AES, le divorce avec la Cédéao, l’autre organisation sous-régionale, paraît désormais consommé.
Née de la volonté de mutualiser les efforts face à la menace terroriste et aux risques d’interventions extérieures, l’AES s’est d’abord construite autour d’un pacte de défense commun.
« Dans le contexte géopolitique actuel, l'AES constitue le seul regroupement sous-régional efficient dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. De ce fait, elle seule nous permet de faire face aux menaces terroristes comme aucune autre structure régionale, internationale ne l'a fait auparavant », a déclaré le général Tchiani, nouveau président du Niger, lors du premier sommet de l’AES, le 6 juillet 2024 à Niamey.
En cas d’agression ou d’attaque extérieure contre l’un des États, les deux autres doivent se montrer solidaires. On l’a vu la semaine dernière lorsqu’un avion militaire nigérian est entré dans l’espace aérien burkinabè : l’AES a alors accusé le Nigeria d’avoir violé cet espace par l’atterrissage forcé d’un C-130 militaire à Bobo-Dioulasso, dans l’ouest du Burkina Faso.
L’Alliance a qualifié l’incident d’« acte inamical mené au mépris du droit international et des règles d’aviation civile et militaire ».
Outre la défense commune, les trois pays coordonnent également leur diplomatie. Les relations avec la France, ancienne puissance colonisatrice, se sont encore détériorées en mars dernier lorsque les trois pays du Sahel ont quitté l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Souveraineté économique
À marche forcée, les trois pays de l’AES ambitionnent de dépasser le pacte de défense pour évoluer vers une véritable confédération. Le sommet de juillet 2024 à Niamey a posé les bases d’un brassage humain et d’une intégration économique plus poussée.
À l’instar du nouveau passeport biométrique communautaire déjà opérationnel, la carte d’identité biométrique de l’AES devrait bientôt être mise en circulation, a assuré en juillet dernier le ministre malien de la Sécurité et de la Protection civile, Daoud Aly Mohammedine.
La recherche d’une souveraineté économique s’est traduite par la création de la Banque confédérale d’investissement et de développement (BCID-AES), dotée d’un capital initial de 500 milliards de FCFA, soit environ 895 millions de dollars. L’institution vise à financer des projets stratégiques dans les infrastructures, l’énergie et l’agriculture, et est présentée par les autorités comme un levier clé pour réduire la dépendance aux bailleurs externes.
La politique souverainiste de l’AES s’applique aussi à l’exploitation des ressources minières. Le Mali a adopté un nouveau code minier fixant à 30 % la part maximale de l’État dans les mines, introduisant une participation de 5 % pour les investisseurs locaux et obligeant les entreprises minières à verser leurs bénéfices sur des comptes bancaires au Mali.
Au Niger, les autorités ont nationalisé en juin dernier la Somaïr, exploitant les gisements d’uranium dans la région d’Arlit. Orano, la société française (ex-Areva), détenait 63,40 % du capital, l’État nigérien 36,60 %. Le Niger a par ailleurs décidé de placer sur le marché international une cargaison d’uranium appartenant à la Somaïr, en dépit de l’opposition d’Orano qui a saisi des instances d’arbitrage internationales.
« Il y a une volonté d'affirmation de la souveraineté des pays de l'AES sur leurs ressources minières. Nous remarquons une révision du rapport de force entre les États et les compagnies multinationales, ce qui est nouveau », a récemment déclaré à TRT Français Seidik Abba, essayiste et président du Centre international de réflexions et d'études sur le Sahel (Cires, think tank basé à Paris).
Des défis à relever
Les relations restent toutefois teintées de méfiance avec les autres pays de la Cédéao. La frontière entre le Bénin et le Niger est fermée depuis 2023 : Niamey soupçonne Cotonou de servir de base arrière à la France pour le déstabiliser.
Un aéronef de l’armée nigériane est toujours retenu au Burkina Faso avec huit membres d’équipage, accusé d’avoir violé l’espace aérien de l’Alliance. En conséquence, les défenses aériennes et anti-aériennes de l’AES sont « en alerte maximale » depuis le 8 décembre, pour parer toute menace.
Toutefois, la lutte contre le terrorisme reste une menace réelle et un défi majeur pour la stabilité des pays de l’AES : l’essentiel des ressources disponibles est absorbé par le maintien de la sécurité.














