Par Pauline Odhiambo
Le sol semblait différent sous les pieds de Marie-Claire Uwimana lorsqu'elle a posé le pied en République démocratique du Congo (RDC) pour la première fois en huit ans.
Le Rwanda, où elle avait vécu toutes ces années, lui offrait la sécurité qu'elle ne pouvait trouver en RDC – mais, comme toute personne déchirée entre son foyer et sa survie, elle avait laissé une partie de son cœur derrière elle en choisissant la vie de réfugiée.
« On ne peut pas s'enraciner profondément ailleurs quand on a une patrie. Aussi reconnaissants que nous étions envers notre pays d'accueil pour nous avoir abrités et protégés, nous avions le mal du pays. Nous vivions dans une sorte de suspension », raconte cette mère de deux enfants à TRT Afrika.
Marie-Claire faisait partie des 533 réfugiés qui sont récemment retournés volontairement dans l'est de la RDC, une région en proie aux conflits, dans un convoi en provenance du Rwanda, avec l'espoir de reconstruire leur vie.
Bien que ce retour coïncide avec une résurgence de la violence impliquant le groupe rebelle M23, les agences humanitaires y voient une étape modeste mais significative pour renforcer la confiance, fruit des initiatives de paix régionales.
La peur des rebelles du M23, qui mènent une guerre contre les forces armées congolaises et les milices pro-gouvernementales, reste le principal obstacle pour des millions d'autres familles déplacées souhaitant rentrer chez elles.
Le week-end dernier, le groupe rebelle M23 a repris la ville de Shoa dans la province du Nord-Kivu, tandis qu'un climat d'instabilité persiste dans des zones comme Sake, une ville située à 60 km de Goma, qui a connu des déplacements massifs.
Retour digne
Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, qui a rencontré certains des rapatriés lors d'un voyage d'une semaine en RDC et au Rwanda en août, parle d'un « retour volontaire sûr et digne » comme étant « la solution la plus durable pour de nombreux réfugiés ».
Il appelle également à un soutien international accru pour cette initiative, soulignant que la véritable valeur des récents accords de paix « sera mesurée par des actions concrètes qui apportent une sécurité durable, une stabilité et des investissements dans les communautés – afin que le retour soit non seulement possible, mais aussi durable ».
Pour les rapatriés, la durabilité signifie reconstruire à partir de rien, tandis que le spectre du groupe rebelle M23 plane toujours au-dessus d'eux.
Jean-Pierre Basenge, qui est retourné dans son village près de Goma l'année dernière, décrit la reprise de sa vie comme le défi le plus redoutable qu'il ait jamais affronté.
« Vous revenez avec vos mains prêtes à travailler et votre cœur plein d'espoir, mais c'est tout », dit-il à TRT Afrika.
« Le M23 nous a pris notre sentiment de sécurité et nos moyens de subsistance. Les champs sont envahis par la végétation, et la maison est endommagée. Vous devez recommencer comme un nouveau-né, mais avec la mémoire de tout ce que vous avez perdu. Nous avons besoin d'une vraie paix, pas seulement de pauses entre les combats. Nous avons besoin d'outils, de semences et d'une chance de travailler sans peur. »
Efforts d'accompagnement
La Dr Anika Laurent, psychologue travaillant avec les rapatriés à Goma, se concentre sur l'aide aux personnes pour qu'elles s'adaptent à une vie qu'elles connaissaient autrefois mais qui semble désormais instable à bien des égards.
« Leur traumatisme est amplifié », explique la Dr Laurent. « Ils portent les souvenirs du cauchemar d'avoir été forcés de fuir, le stress de la vie dans un camp, et maintenant l'anxiété de revenir dans une région où la menace du M23 reste omniprésente. Les rapatriés souffrent souvent d'hypervigilance ; chaque bruit fort est un déclencheur. La guérison nécessite non seulement une thérapie, mais aussi un véritable sentiment de sécurité sur le terrain. »
Soutien international
Lors de sa visite, Grandi a rencontré les dirigeants politiques, y compris le président Félix Tshisekedi, pour discuter des défis liés à la réinstallation.
À Sake, il a échangé avec des personnes forcées de fuir à plusieurs reprises en raison des incursions du M23 dans leurs quartiers.
Grandi a également salué « l'approche progressive » du Rwanda pour inclure les réfugiés dans la société, la qualifiant d'« exemple puissant » de compréhension de la douleur des personnes déplacées de leurs foyers.
« Nous espérons que les récents efforts de paix créeront un environnement où un accès humanitaire sans entrave sera garanti », déclare Grandi, reconnaissant un grand écart entre ce qui est convenu lors des réunions et ce qui se passe sur le terrain.
Pour les personnes qui rentrent chez elles, le soutien international signifie des choses concrètes et quotidiennes.
Marie-Claire souhaite un terrain loin des combats pour pouvoir reprendre l'agriculture sans craindre pour sa sécurité. Pour Jean-Pierre, cela signifie avoir un emploi et s'assurer que les rebelles armés qui terrorisent sa communauté soient désarmés.
Tous deux espèrent que lorsqu'ils entendront des avions au-dessus de leur tête, ils n'auront plus à courir se cacher dans les forêts.
Ils ont eu le courage de revenir – c'est la première étape. Mais leur capacité à rester et à reconstruire dépendra de la résolution des causes profondes des problèmes alimentant le conflit, y compris l'insurrection du groupe rebelle M23.
Marie-Claire sait que l'avenir reste incertain, mais sa détermination à rester cette fois reflète les sentiments d'une génération qui veut reprendre possession de son foyer.
« Nous avons été des graines dispersées par le vent », souffle-t-elle à TRT Afrika. « Maintenant, nous sommes de retour chez nous, et nous devons être autorisés à grandir. »