Par Pauline Odhiambo
Déterminer les "10 meilleurs" films de l'histoire d'un continent aussi vaste et diversifié que l'Afrique est intrinsèquement subjectif, mais certains films ont acquis un statut canonique grâce à leur vision artistique novatrice, leur impact culturel, leur importance historique et leur influence sur le cinéma africain et mondial.
Basé sur des pionniers historiques, des films qui ont défini des mouvements cinématographiques et des chefs-d'œuvre contemporains ayant reçu une reconnaissance internationale, voici 10 des films africains les plus significatifs de l'histoire, présentés dans un ordre chronologique pour souligner leur évolution historique.
1. Borom Sarret (Le Charretier) – 1963
Réalisateur : Ousmane Sembène (Sénégal)
Considéré comme le tout premier film réalisé par un cinéaste noir africain en Afrique subsaharienne, ce court-métrage est un récit poignant et néoréaliste sur la journée d’un charretier dans la capitale sénégalaise, Dakar.
Borom Sarret a établi les bases du cinéma africain en critiquant les effets persistants du colonialisme et en explorant les luttes des gens ordinaires. Le film retrace la vie d’un charretier à Dakar qui peine à subvenir aux besoins de sa famille au cours d’une journée difficile, confronté aux inégalités sociales et aux dures réalités du Sénégal post-colonial.
Il a remporté le prestigieux Prix de l'Office Catholique International du Cinéma (OCIC) au Festival international du film de Tours en 1963, une reconnaissance cruciale pour l'émergence d'une nouvelle voix cinématographique.
2. La Noire de… (La Noire) – 1966 Réalisateur : Ousmane Sembène (Sénégal)
Premier long-métrage subsaharien réalisé par un cinéaste noir à obtenir une reconnaissance internationale, ce film raconte l’histoire d’une jeune femme sénégalaise qui déménage en France pour travailler pour une famille qu’elle servait à Dakar.
Son rêve d’une nouvelle vie se transforme en cauchemar d’isolement et d’exploitation. La Noire de a marqué l’histoire du cinéma en remportant le Prix Jean Vigo en 1966, une récompense saluant l’originalité et l’indépendance de style.
3. Touki Bouki (Le Voyage de la Hyène) – 1973 Réalisateur : Djibril Diop Mambéty (Sénégal)
Considéré comme un chef-d'œuvre avant-gardiste révolutionnaire, ce film a remporté le Prix de la Critique Internationale au Festival de Cannes en 1973. L’histoire suit un jeune couple rebelle à Dakar rêvant de s’échapper à Paris, entreprenant une série d’aventures surréalistes et chaotiques pour réunir l’argent nécessaire à leur voyage.
L’influence de Touki Bouki n’a cessé de croître avec le temps, et il est désormais considéré comme une œuvre canonique du cinéma mondial.
4. Xala (La Malédiction) – 1975 Réalisateur : Ousmane Sembène (Sénégal)
Considéré comme une satire emblématique de l’élite africaine post-coloniale, Xala raconte l’histoire d’un homme d’affaires riche et corrompu frappé par une malédiction d’impuissance lors de sa nuit de noces.
Sa quête désespérée pour une cure expose l’hypocrisie de la nouvelle élite africaine. Le film a remporté l’Ours d’Argent - Prix spécial du jury au 25e Festival international du film de Berlin en 1975.
5. Yeelen (La Lumière) – 1987 Réalisateur : Souleymane Cissé (Mali)
Dans un Mali ancien et mystique, un jeune homme doté de pouvoirs extraordinaires entreprend un voyage épique pour affronter son père sorcier, qui cherche à le tuer.
Yeelen est largement considéré comme une épopée visuellement époustouflante basée sur la mythologie bambara. Il a remporté le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1987, marquant une percée internationale majeure pour le cinéma d’art africain.
6. Tilai (La Loi) – 1990 Réalisateur : Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso)
Un homme revient dans son village pour découvrir que sa bien-aimée est désormais mariée à son père, une trahison des lois traditionnelles qui déclenche un conflit tragique inévitable.
Le film, une tragédie puissante, a remporté le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1990 ainsi que le Prix FIPRESCI, destiné à promouvoir l’art cinématographique et à encourager les jeunes talents.
7. Yaaba (La Grand-mère) – 1989 Réalisateur : Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso)
Un jeune garçon d’un village burkinabé se lie d’amitié avec une vieille femme ostracisée comme sorcière, formant un lien tendre qui défie les préjugés de la communauté.
Ce film est largement perçu comme une histoire universelle et émouvante d’amitié. Il a remporté le Prix FIPRESCI au Festival de Cannes (section Quinzaine des Réalisateurs) en 1989 et a été nommé aux BAFTA pour le Meilleur Film en Langue Étrangère.
8. Tsotsi – 2005 Réalisateur : Gavin Hood (Afrique du Sud)
Un jeune chef de gang impitoyable dans un bidonville de Johannesburg kidnappe un bébé après un vol de voiture, un acte qui l’oblige à affronter son humanité.
Ce film a permis au cinéma sud-africain moderne de se faire connaître à l’échelle mondiale, remportant l’Oscar du Meilleur Film International en 2006 ainsi que le BAFTA du Meilleur Film en Langue Étrangère.
9. Timbuktu – 2014 Réalisateur : Abderrahmane Sissako (Mauritanie)
Dans cette histoire, la vie paisible des habitants de la région malienne de Tombouctou est bouleversée par l’occupation de terroristes imposant un régime brutal. Le film se concentre sur les épreuves d’un éleveur et de sa famille.
Ce film est une dénonciation poétique et poignante de l’extrémisme religieux. Il a été nommé pour l’Oscar du Meilleur Film International en 2015 et a remporté sept César, dont ceux du Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Scénario Original. Il a également reçu le Prix François Chalais à Cannes.
10. Atlantique – 2019 Réalisatrice : Mati Diop (Sénégal/France)
Dans une banlieue de Dakar, la capitale sénégalaise, le jeune amoureux d’une femme disparaît en mer en migrant pour travailler, mais il semble revenir de manière mystérieuse, brouillant les frontières entre réalité et spiritualité.
Ce film, qui mêle les genres et représente la nouvelle vague du cinéma africain, a remporté le Grand Prix au Festival de Cannes en 2019 (le premier film réalisé par une femme noire à obtenir cette distinction).
Il a également été nommé pour le BAFTA du Meilleur Film en Langue Étrangère et a été sélectionné comme candidature sénégalaise pour l’Oscar du Meilleur Film International.