Par Kevin Philips Momanyi
Peu d'objets suscitent la vénération que la société Samburu réserve à l'Ekicholong – un siège en bois qui incarne le poids de la tradition et trace des frontières invisibles de hiérarchie sociale et culturelle.
« Ce siège symbolise l'autorité, le pouvoir et le statut social », explique Moreno Moreschi, un leader de la communauté pastorale Samburu qui habite le centre-nord du Kenya, à TRT Afrika.
Ses yeux brillent d'un mélange de respect et de prudence lorsqu'il décrit comment l'Ekicholong n'émerge que des mains d'artisans choisis, réputés posséder un talent divinement offert.
« Nous croyons que Dieu a doté seulement certaines personnes spéciales de notre communauté du talent pour fabriquer ce siège », affirme Loshelen Lolosoli, un dignitaire de la communauté.
Ces artisans sélectionnés sculptent le siège exclusivement à partir d'une espèce d'arbre que l'on trouve uniquement dans la forêt, dont l'identité reste un secret bien gardé.
Meibekini Loldepe, un artisan de 60 ans, protège jalousement ce qu'il considère comme un privilège à ne pas prendre à la légère. « Ce siège est uniquement fabriqué par les dignitaires de la communauté, et je fais partie de ceux choisis pour assumer cette responsabilité. »
Plus qu'un simple siège
À première vue, le siège semble être un simple meuble que n'importe quel menuisier pourrait fabriquer. Une souche d'environ cinq pouces de hauteur est surmontée d'un siège ovale en bois finement façonné. Lorsqu'une personne s'assoit sur l'Ekicholong, elle reste légèrement au-dessus du niveau du sol.
Même cette élévation modeste porte un poids symbolique dans une société où les frontières sociales reflètent la hiérarchie Samburu. Les enfants n'ont pas le droit de s'approcher du siège, encore moins de le toucher. Les femmes, quant à elles, doivent respecter un ensemble de restrictions différent. Bien qu'elles soient interdites d'utiliser l'Ekicholong, elles peuvent le porter pour leurs maris lors d'occasions spéciales.
La logique derrière l'interdiction pour les femmes d'utiliser le tabouret repose sur le fait que la culture Samburu les exclut traditionnellement des rôles de leadership et de prise de décision. « Les femmes touchent le siège avec respect et retenue lors des cérémonies », explique Lolosoli.
Le non-respect des traditions régissant l'utilisation de l'Ekicholong entraîne généralement de lourdes conséquences sociales. « Si vous enfreignez les conventions, préparez-vous à payer une amende », avertit un villageois. « La sanction est un grand bélier qui est rituellement abattu pour purifier le contrevenant. Les dignitaires de la communauté se rassemblent pour rôtir et manger la viande lors d'une cérémonie qui vise autant à faire respecter les coutumes qu'à renforcer les liens sociaux. »
Symbole traditionnel de statut
Bien que l'Ekicholong soit principalement réservé aux cérémonies, quelques privilégiés ont la liberté de l'utiliser dans leur vie quotidienne. Les dignitaires sont connus pour s'asseoir sur ce tabouret bas mais vénéré lors de toutes les réunions importantes, et parfois même l'utiliser comme oreiller pour se reposer dans les buissons.
La condition est que seuls ceux qui détiennent un statut au sein de la communauté peuvent utiliser le siège comme bon leur semble. Cela fait de l'Ekicholong presque un symbole d'aspiration au sein de la société Samburu.
Pour les non-initiés, l'Ekicholong peut sembler n'être rien de plus qu'un tabouret rustique taillé dans un bloc de bois. Mais pour les Samburu, l'Ekicholong représente bien plus qu'un simple meuble.
De plus, l'Ekicholong incarne à la fois l'autorité et la sagesse qui viennent avec l'âge, en faisant un symbole de statut réservé exclusivement aux hommes respectés d'un certain âge au sein de cette communauté soudée.