Par Susan Mwongeli et Nuri Aden
Le président Donald Trump fait face à des critiques, tant aux États-Unis qu'à l'étranger, après ses derniers propos désobligeants à l'encontre des personnes d'origine somalienne vivant aux États-Unis.
Dans des termes à son image, d'une crudité caractéristique, Trump a qualifié les personnes d'origine somalienne d'« ordure », visant notamment la célèbre députée démocrate Ilhan Omar, l'une de ses plus ferventes critiques.
Il a affirmé qu'elles « ne contribuent rien » aux États-Unis mais « ont pris des milliards de dollars » en direction de la Somalie, jurant de les expulser. Le président américain a également tenu des propos peu flatteurs sur la Somalie elle‑même, la qualifiant de pays qui « pue ».
Ces déclarations ont provoqué l'indignation, mais le Premier ministre somalien Hamza Abdi Barre a balayé d'un revers de main les propos de Trump.
« Donald Trump, le président des États‑Unis, n'a pas insulté la Somalie seule mais aussi bien d'autres pays, notamment l'Afrique du Sud et le Nigéria. Parfois, il y a des choses qu'on peut tout simplement laisser passer, au lieu d'en faire tout un plat », a réagi le Premier ministre Barre lors d'un sommet sur l'innovation à Mogadiscio mercredi.
Le président Trump a été particulièrement critique envers la communauté somalienne de l'État du Minnesota, l'accusant de fraude liée aux programmes d'aide publics et de soutien au terrorisme, allégations que cette communauté nie avec véhémence.
Certains commentateurs estiment que les propos de Trump étaient indignes.
« Les États‑Unis ont eu de nombreux présidents avant lui, démocrates et républicains, et aucun d'entre eux n'a employé un langage aussi dégradant à l'égard d'êtres humains. Autrefois, la fonction présidentielle s'accompagnait de dignité, de respect et de responsabilité. Il a abaissé cette norme jusqu'au sol », déclare le professeur Abdiwahab Sheikh Abdisamad, fondateur et directeur exécutif de l'AfroAsiaInst for Strategic Studies, à TRT Afrika.
La controverse intervient alors que l'administration Trump intensifie la répression contre les migrants: Immigration and Customs Enforcement (ICE) devrait déployer des agents dans le Minnesota pour cibler des immigrants somaliens en vue de possibles expulsions.
Jacob Frey, maire de Minneapolis, la plus grande ville du Minnesota, a défendu la communauté somalienne, estimant qu'elle a « rendu la ville meilleure » grâce à « son travail acharné » et à son leadership.
Les Somaliens comme bouc émissaire ?
Minneapolis et Saint Paul, connues sous le nom de Twin Cities, abritent l'une des plus grandes diasporas somaliennes au monde et la plus importante des États‑Unis.
Le professeur Abdisamad estime que l'attention portée par Trump aux Américains d'origine somalienne témoigne de leur importance dans la société américaine.
« S'ils étaient insignifiants, pourquoi s'obsède‑t‑il sur eux chaque jour ? La vérité, c'est que les Somaliens sont devenus plus visibles, mieux organisés et plus influents politiquement que jamais », dit‑il.
Selon un rapport de l'AFP, près de 58 % des Somaliens du Minnesota sont nés aux États‑Unis, et 87 % de ceux nés à l'étranger sont aujourd'hui naturalisés citoyens américains, ce qui pourrait rendre leur expulsion extrêmement difficile.
Certains analystes estiment que les actions de Trump s'inscrivent dans sa politique anti‑immigration, son attitude condescendante envers les pays africains et son islamophobie. La grande majorité des Somaliens‑américains sont musulmans.
Le professeur Abdisamad adresse un conseil au président Trump : « Les Somaliens sont là, ils sont forts, et ils ne vont nulle part. Plus tôt vous ferez affaire avec eux, mieux ce sera. »
Ce n'est pas la première fois qu'il cible la Somalie et les personnes d'origine somalienne.
Il a un jour affirmé, à tort, que ce pays africain n'avait pas de gouvernement, et l'a ajouté à une liste de pays visés par une interdiction de voyage américaine.
Le mois dernier, Trump a dit qu'il envisageait de supprimer le statut de protection temporaire (TPS) accordé aux Somaliens. Ce programme permet aux ressortissants de pays en crise de rester aux États‑Unis.
Selon l’élue démocrate Ilhan Omar, le président républicain utilise la communauté somalienne comme bouc émissaire.
La Somalie sur la voie de la prospérité
« Très souvent, le président (Trump) a recours à une rhétorique xénophobe, islamophobe et raciste quand il cherche à faire porter le chapeau et à détourner l'attention de ses propres échecs. Il attaque la communauté somalienne‑américaine pour cacher le fait qu'il n'a pas tenu la plupart de ses promesses », déplore‑t‑elle.
Des millions de Somaliens ont fui la Somalie au cours des trois dernières décennies en raison de l'insécurité et de l'instabilité politique, beaucoup d'entre eux se réfugiant aux États‑Unis.
Cependant, le pays de la Corne de l'Afrique a engagé ces dernières années d'importants efforts de redressement, le président Hassan Sheikh Mohamud combattant les perceptions stéréotypées et persistantes que l'on a à l'extérieur.
« Beaucoup continuent de nous mépriser, jugeant tout avec un état d'esprit ancré dans le passé. Ils ne voient pas ce qui se passe aujourd'hui : les progrès réalisés, les changements positifs en cours, le travail acharné des jeunes Somaliens et du peuple somalien dans son ensemble », a expliqué le président Mohamud lors du Leadership and Innovation Summit (LIS) à Mogadiscio mercredi.
« Pour eux, nous sommes encore là où nous étions hier, mais nous disons : nous avons dépassé hier », a ajouté le président Mohamud.
« La nation somalienne a progressé. Nous avons emprunté le chemin du développement, de la prospérité, du progrès et de l'État de droit. Nous sommes en route, et bientôt ce parcours atteindra l'endroit que nous avons longtemps espéré et auquel nous aspirons », a‑t‑il insisté.
















