Par La Rédaction
La tentative avortée de coup d’État au Bénin dimanche, conduite par le lieutenant-colonel Pascal Tiagri, remet en lumière la question de l'ingérence de la France dans les affaires africaines.
Au plus fort de la tension hier à Cotonou, la capitale béninoise, le chef des mutins a mis en garde la France dans un enregistrement diffusé sur les réseaux sociaux.
“Nous AVERTISSONS le gouvernement français de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures de notre chère patrie, la République du Bénin”, a-t-il insisté, alors qu’une rumeur devenue virale évoquait la présence du chef de l’État béninois Patrice Talon dans les locaux de l’ambassade de France.
Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères et de l’Europe a rapidement démenti ces allégations. “Des allégations font croire que des autorités béninoises auraient trouvé refuge à l’ambassade de France à Cotonou. Rien de tout cela n’est vrai. Nous démentons formellement. Et nous suivons la situation avec attention. Nous avons appelé les ressortissants français à rester confinés chez eux”, a déclaré Pascal Confavreux sur son compte X.
Peu après, le président Emmanuel Macron est intervenu, affirmant avoir contacté le président nigérian au sujet des “défis sécuritaires”. “Je me suis entretenu avec le Président Tinubu du Nigeria. Je lui ai exprimé la solidarité de la France face à différents défis sécuritaires, en particulier la menace terroriste dans le Nord”, a écrit le président français sur son compte X, sans mention explicite de la situation au Bénin.
“À sa demande, nous renforcerons notre action de partenariat avec les autorités et de soutien aux populations touchées. Nous appelons l’ensemble de nos partenaires à se mobiliser. Personne ne doit rester spectateur”, a conclu Emmanuel Macron.
Cette prise de position a provoqué des réactions en Afrique et parmi des responsables politiques occidentaux, notamment au Royaume-Uni. L’ancien député travailliste George Galloway a traité sur X le président nigérian Tinubu de “marionnette”, laissant entendre qu’il agirait sur ordre d’Emmanuel Macron.
Au Nigeria, plusieurs voix ont critiqué la rapidité d’une intervention au Bénin, alors que le pays fait face à des groupes terroristes et à des prises d’otages sur son propre territoire.
La présidence nigériane a confirmé l’implication de l’armée au Bénin dimanche. “Suite à deux demandes distinctes du gouvernement du Bénin, le président Tinubu a d'abord ordonné à des avions de chasse de l'armée de l'air nigériane d'entrer dans le pays et de prendre le contrôle de l'espace aérien pour aider à déloger les putschistes de la télévision nationale et d'un camp militaire où ils s'étaient regroupés”, a indiqué un communiqué de Bayo Onanuga, conseiller spécial du président Bola Tinubu.
Dans la foulée, la CEDEAO a annoncé le “déploiement immédiat” de contingents de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire et du Ghana pour appuyer “le gouvernement et l’armée républicaine” du Bénin et “préserver l’ordre constitutionnel”.
La rapidité d’action de la CEDEAO au Bénin suscite des questions dans l’opinion publique, au regard de ce qui a été perçu comme de l'attentisme lors du coup de force en Guinée-Bissau. “La CEDEAO prévoit de déployer des forces au Bénin mais pas en Guinée-Bissau. La CEDEAO est complice du coup d'État de Embalo sur Embalo”, a accusé sur X le député sénégalais Guy Marius Sagna, qui siège également au parlement sous-régional de la CEDEAO.
Dans le même registre, l’activiste panafricaine Nathalie Yamb a dénoncé un traitement à deux vitesses de la part de la CEDEAO pour deux situations jugées similaires. “Deux coups d’État, à 10 jours d’intervalle. Deux traitements différents de la CEDEAO. Les 600 hommes de la force en attente présents à Bissau n’ont pas levé le petit doigt. Mais en ce qui concerne le Bénin, la CEDEAO menace d’intervenir. Qu’est-ce que ça nous dit?”, a-t-elle écrit sur son compte X, laissant entendre des manœuvres en coulisses de la France.
“Un coup d’État, qu’il soit institutionnel comme celui attribué à Patrice Talon le 15 novembre dernier (réforme constitutionnelle) ou militaire comme celui en cours actuellement contre lui au Bénin, est une affaire INTERNE à un pays”, a insisté la militante panafricaine.
Elle a en outre interrogé la légitimité d’une intervention nigériane sollicitée après un appel téléphonique d’Emmanuel Macron: “À quel moment Bola Tinubu, sollicité par Emmanuel Macron par téléphone cet après-midi, se croit-il autorisé à déployer les moyens de l’armée nigériane pour intervenir au Bénin? Qu’est-ce qui justifie les tirs d’avions de chasse nigérians ayant décollé de la base de Lagos, sur des militaires béninois? Pourquoi Bola Tinubu n’utilise pas les mêmes moyens militaires pour mettre fin aux activités terroristes au Nigeria et dans la sous-région? Qu’est-ce qui justifie l’usage de moyens militaires français? Just asking…”. Ces questions posent un regard critique sur l’implication et le rôle de la France dans les récents événements au Bénin.

En froid avec plusieurs pays du Sahel (Mali, Niger et Burkina Faso), la France maintient néanmoins des relations étroites avec des États comme le Bénin, ce qui alimente les soupçons du Niger voisin, qui a fermé sa frontière commune.
Niamey continue de considérer le Bénin comme “base arrière des soldats français hostiles au Niger”, formule réitérée par le président Tiani lors d’une récente visite aux troupes dans une caserne.










