Par Pauline Odhiambo
La Journée mondiale des toilettes peut sembler n'être qu'une autre date sur un calendrier déjà surchargé d'événements mondiaux, jusqu'à ce qu'on soit confronté à la réalité : 3,5 milliards de personnes vivent encore sans toilettes sûres.
Le silence autour de l'assainissement tient en partie à la gêne, mais surtout à la négligence.
En réalité, ce sujet peu glamour détermine si des enfants survivent aux infections courantes, si les femmes peuvent gérer leurs règles avec dignité et si des communautés entières parviennent à sortir du cercle des maladies évitables.
En Afrique, le tableau révèle de fortes divisions. Alors que certains pays ont atteint une couverture presque universelle, d'autres demeurent pris dans une crise où la majorité de la population ne dispose même pas d'installations de base.
Pendant trop longtemps, l'histoire de l'assainissement sur le continent a été marquée par un déficit.
Mais un groupe de pays est en train de réécrire ce scénario et montre que le progrès est possible avec une volonté politique, de l'innovation et la mobilisation des communautés.
D'après le Programme conjoint de l'OMS et de l'UNICEF pour la surveillance de l'approvisionnement en eau, de l'assainissement et de l'hygiène, un premier groupe s'est clairement détaché en Afrique.
Établir la norme
En tête du peloton se trouve l'archipel des Seychelles, dans l'océan Indien. Avec près de 98 % d'accès à des services d'assainissement gérés de manière sûre, le pays sert de référence continentale et mondiale.
Aux Seychelles, l'assainissement ne se limite pas aux toilettes : il s'agit d'un système efficace où les déchets sont traités et éliminés en toute sécurité, protégeant à la fois la population et l'environnement insulaire.
La Tunisie, avec plus de 90 % d'accès à un assainissement géré en toute sécurité, constitue un autre cas à part.
Une stratégie étatique de plusieurs décennies, centrée sur l'Office national de l'assainissement, créé en 1974, a permis de centraliser la planification et la gestion des infrastructures d'eaux usées à l'échelle nationale. L'idée était de relier villes et communes à un réseau commun.
Consciente qu'une toilette n'est propre que si le système qui traite ses déchets l'est aussi, la Tunisie a massivement investi dans plus de 120 stations d'épuration et est devenue un leader régional de la réutilisation de l'eau, en réaffectant plus de 30 % de ses eaux usées à l'irrigation agricole.
Si la couverture urbaine est presque totale, des programmes ciblés ont considérablement étendu les installations d'assainissement en milieu rural et réduit l'écart entre zones rurales et urbaines.
Maurice a obtenu des résultats comparables en mariant service public et innovation. L'Autorité de gestion des eaux usées du pays continue d'étendre son réseau d'égouts, notamment dans les zones côtières densément peuplées où l'assainissement est crucial pour le secteur touristique.
La gestion proactive des solutions sur site, comprenant une campagne de conversion d'anciennes fosses septiques en puisards hygiéniques et leur raccordement au réseau central, alimente ce programme. La réglementation y est stricte.
Dans le cas de Maurice, les normes élevées exigées par le secteur touristique ont créé un impératif économique pour l'assainissement, stimulant l'investissement dans des technologies de traitement avancées et fixant une référence qui a élevé les attentes pour les infrastructures nationales.
Problème d'accès
Le succès des Seychelles, de la Tunisie et de Maurice dans l'institutionnalisation des normes d'assainissement est tempéré par les dures réalités ailleurs.
Le Programme conjoint de l'OMS et de l'UNICEF identifie l'Afrique subsaharienne comme l'épicentre de la crise mondiale de l'assainissement. Dans nombre de ces pays, la dignité et la sécurité offertes par une toilette restent hors de portée pour la grande majorité de la population.
L'Afrique centrale et orientale offre des exemples accablants. À peine 21 % de la population du Tchad a accès à un assainissement de base. La défécation à l'air libre y est courante.
L'Éthiopie, l'une des économies à la croissance la plus rapide du continent, affiche un bilan médiocre avec seulement 27 % d'accès à l'assainissement de base, laissant des millions de personnes exposées à des maladies évitables.
Le Soudan du Sud, confronté à un conflit prolongé et à un sous-développement chronique, est devenu un terrain propice aux épidémies qui auraient pu être évitées avec un assainissement adéquat.
Au Niger et à Madagascar, où l'accès à l'assainissement tourne autour de 30 %, le fossé entre zones rurales et urbaines est flagrant, et des systèmes de santé fragiles sont poussés au point de rupture.
Les experts ne décrivent pas l'écart en matière d'assainissement comme un simple manque d'infrastructures, mais comme une urgence humanitaire : il alimente les décès d'enfants dus aux diarrhées, aggrave la malnutrition et contamine l'environnement.
Au-delà de la plomberie
Le fossé entre les pays leaders et les retardataires en matière d'assainissement montre clairement ce qui fonctionne.
Les succès des Seychelles, de la Tunisie et de Maurice reposent sur une volonté politique qui a considéré l'assainissement comme une priorité nationale, soutenue par un financement régulier et des règles applicables.
Donner la priorité à l'assainissement a permis de bâtir l'épine dorsale invisible — un réseau d'égouts et de stations de traitement — qui protège discrètement la santé publique au quotidien. En milieu rural, des solutions abordables et pratiques ont veillé à ce qu'aucune communauté ne soit laissée pour compte.
Ce contraste entre ceux qui donnent le rythme et ceux qui peinent à rattraper leur retard offre une feuille de route. Des pays comme le Ghana, le Sénégal et le Rwanda vont déjà dans ce sens, en déployant des programmes nationaux ambitieux qui prouvent que des progrès rapides sont possibles.

















