Madagascar : la Gen Z vient à bout de Rajoelina
AFRIQUE
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Madagascar : la Gen Z vient à bout de RajoelinaDans les dernières heures, son refus de démissionner et son exfiltration par un avion militaire français ont semblé accentuer cette colère et précipiter la constatation de la vacance du pouvoir.
Un manifestant brandit une pancarte lors d'une manifestation à Antananarivo, le mardi 14 octobre 2025. (AP Photo/Brian Inganga)
il y a 10 heures

Une nouvelle page s’ouvre à Madagascar, où la cour constitutionnelle a validé la prise du pouvoir par l’armée. Son règne a pris fin face à la colère des jeunes excédée par les coupures d’eau et d’électricité.

Dans les dernières heures, son refus de démissionner et son exfiltration par un avion militaire français ont semblé accentuer cette colère et précipiter la constatation de la vacance du pouvoir.

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles on a encore pu voir une nouvelle fois des pancartes anti-françaises durant ces manifestations initialement lancées pour réclamer la fin des coupures d’eau et d’électricité.

On peut y lire "Dégage la France" ou "Dégage Rajoelina et Macron"

Et sur la symbolique place du 13 mai à Antananarivo, des scènes de fête et des concerts ont suivi lundi la décision des députés de confier le pays aux militaires. La colère exprimée contre des conditions de vie difficiles qui ont commencé à partir de septembre a dégénéré en crise politique, marquée par une exigence de démission du président.

Dr Amy Şen, présidente de Malagasy Culture and Solidarity Association, explique que les manifestations reflètent un mécontentement profond de la population face à des services publics essentiels défaillants.

À Madagascar, de nombreuses zones urbaines, notamment Antananarivo, connaissent des coupures fréquentes d’eau et d’électricité, ce qui perturbe la vie quotidienne, les activités économiques et l’accès aux soins.

« La défaillance des services publics a exacerbé un sentiment général de frustration envers le gouvernement. Ce mécontentement social s’est rapidement politisé : l’opposition, les Gen Z et certains acteurs de la société civile ont lié les manquements dans la gestion de l’eau et de l’électricité à l’incapacité présumée du président à gouverner efficacement. Les manifestations ont ainsi évolué en revendications politiques directes, certains groupes appelant explicitement à la démission du président, considérant qu’il porte la responsabilité principale de la crise. » précise Dr Amy Şen.

Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté toute démission tout en quittant le pays, sans donner de précision sur sa localisation.

Mardi, la Haute Cour constitutionnelle a constaté la vacance du poste et a invité l'autorité militaire compétente incarnée par le colonel Randrianirina Michaël à exercer les fonctions de chef de l'État.

On va prendre le pouvoir à partir d'aujourd'hui et on dissous le Sénat et la Haute Cour constitutionnelle.

L'Assemblée nationale, on la laisse continuer à travailler, a indiqué le colonel Michael Randrianirina devant le palais présidentiel, au centre de la capitale malgache.

Le docteur Amy Şen estime que « Le nouveau régime semble se structurer autour de figures militaires et de responsables civils issus de l’opposition. Parmi eux, on trouve des chefs militaires qui ont pris le contrôle des institutions clés. Concernant la France, la situation suscite beaucoup de critiques et d’ironie. Les gens rappellent que le président est français et que l’amitié annoncée par Macron ne concerne pas vraiment le peuple malgache, mais plutôt le président lui-même. Beaucoup voient toute intervention française comme une ingérence dans les affaires de Madagascar. »

L’exfiltration de Rajoelina par un avion militaire français a accentué une frustration déjà visible en 2023 après la divulgation de sa nationalité française.

Andry Rajoelina a acquis la nationalité française par naturalisation en 2014. Sa femme ainsi que leurs trois enfants ont bénéficié de la même procédure.

Cette révélation avait irrité beaucoup de Malgaches ; à l’époque, l’opposition malgache avait dénoncé une trahison du chef de l’État et envisagé une procédure de destitution peu avant le scrutin présidentiel.

Selon le docteur Amy Şen, sa nationalité française a joué un rôle dans son départ et son exil : « La double nationalité française de Rajoelina a été un facteur clé pour faciliter son exil selon les observateurs. Elle lui permet de bénéficier d’une protection consulaire et de se rendre dans un pays offrant sécurité et soutien diplomatique. La nationalité française a également servi de levier pour négocier sa sécurité lors de la transition politique, car elle impose une certaine responsabilité de l’État français vis-à-vis de ses ressortissants, surtout dans un contexte de crise. »

Alors que le nouvel homme fort malgache prépare son investiture, cette crise illustre la montée en puissance de la génération Gen Z mais aussi le net recul de l’influence française dans les pays africains.

Les forces françaises ont dû récemment se retirer de pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le Sénégal ou encore le Tchad.

SOURCE DE L'INFORMATION:TRT Afrika