"Je suis Africain et Martiniquais”: Comment une loi béninoise séduit les Antillais
AFRIQUE
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"Je suis Africain et Martiniquais”: Comment une loi béninoise séduit les AntillaisLe 23 septembre, Olivier Serva, député français et Guadeloupéen, annonce avoir pris la nationalité béninoise. TRT Français a interviewé l’ambassadeur du Bénin pour les Afrodescendants dans les Antilles.
Georges-Emmanuel Germany et le président béninois, Patrice Talon
il y a 2 heures

Par Angélique Férat

"Je suis Africain et Martiniquais." Voici comment Georges-Emmanuel Germany se présente : ce Martiniquais est l’ambassadeur du Bénin pour les Afrodescendants dans les Antilles.

Ce sont peu ou prou les mêmes mots qu’a utilisés Olivier Serva lors de son annonce le 23 septembre: « En tant que député français, je veux affirmer avec fierté à mes homologues députés d'abord, mais à la France en général, que je suis fier aussi d'être Africain ». Olivier Serva a ainsi rendu public l’obtention de la nationalité béninoise en seconde nationalité en mai 2025.

Depuis 2024, le Bénin permet à toute personne ayant un ancêtre africain déporté durant la traite transatlantique d'acquérir sa nationalité.

Celui qui milite et travaille à faire connaître cette loi béninoise auprès des Afrodescendants français et caribéens est un avocat martiniquais, Georges-Emmanuel Germany. Ancien bâtonnier de Fort-de-France, il est aussi connu pour son travail en faveur des réparations aux descendants d'esclaves. Il a été nommé par le gouvernement de Cotonou ambassadeur pour le Bénin auprès des Afrodescendants dans les Antilles, le 18 décembre 2024.

Georges-Emmanuel Germany se dit très heureux de voir un élu de la République faire cette démarche.

“J’ai encouragé Olivier Serva dans sa démarche, je l’ai mis en contact avec des élus béninois. J’assure un peu le service après-vente de la loi en ma qualité d’ambassadeur pour les Antilles. J’ai de la joie de voir un personnage public mais aussi un quidam faire son retour dans l’état civil, ce qui permet tous les retours, culturel, économique ou autre. On n’a pas besoin de déménager. ”

Depuis juillet, une plateforme est ouverte où les personnes qui souhaitent obtenir la nationalité béninoise peuvent s’inscrire afin que leur dossier soit étudié.

3 000 demandes pour devenir béninois

L’avocat ajoute s’être également inscrit sur la plate-forme officielle pour obtenir la nationalité béninoise il y a quelques jours. En deux mois, 3000 demandes ont déjà été déposées. Georges Emmanuel Germany prend aussi son bâton de pèlerin depuis le début de l’année pour expliquer l'intérêt de la démarche dans les territoires d’Outre-mer ; il est allé à la Barbade, Sainte-Lucie, la Dominique, la Guadeloupe…

« On a une forte demande des États-Unis, de la Martinique, de la Guadeloupe et de Guyane, et d’Haïti. Toussaint Louverture (ancien esclave affranchi qui joua un rôle dans la révolution haïtienne à la fin du XVIIIe siècle) est un Haïtien célèbre, mais il est aussi un Béninois d’Allada.”

L’avocat assure que sa démarche est bien accueillie. “J’ai rencontré des gens qui veulent connaître l’Afrique, soit pour visiter, soit pour une bonne proportion s’y installer, pour savoir qui étaient nos parents, pour nous Africains issus de la déportation, c’est un voyage intérieur.”

Olivier Serva, le député guadeloupéen, a justifié sa démarche à l’Assemblée nationale par la montée du racisme. Des expressions comme « Français de papier » et « submersion migratoire » utilisées par certains ministres de l’ont poussé vers cette décision.

Georges-Emmanuel Germany admet que les populations des Antilles souffrent du manque d’égalité avec la métropole. « L’égalité est toujours pour demain. Le racisme touche les institutions françaises », selon lui, et cette réalité explique en partie l’intérêt que cette loi suscite parmi les populations des Caraïbes.

“J’ai perdu mes papiers à fond de cale, il y a 300 ans”

Tout a commencé par une blague, aime-t-il à rappeler: « Lorsque Patrice Talon (NDLR, Président du Bénin) a visité la Martinique en 2023, je me suis entretenu avec lui. Je lui ai dit : « Monsieur le président, j’ai perdu mes papiers il y a 300 ans à fond de cale, il serait temps de m’en rééditer de nouveaux. » 

Le président Talon prend la balle au bond et invite le militant martiniquais à Cotonou en janvier 2024. Georges-Emmanuel Germany explique alors au président béninois l’attente de beaucoup d’Afro-descendants, c’est-à-dire se reconnecter avec la terre, le village de leurs ancêtres qui ont été capturés et vendus comme esclaves. 

Il insiste sur l’intérêt que cela pourrait être pour le Bénin qui pourrait bénéficier d’une voie d’influence, une stratégie de rayonnement en dehors de l’Afrique. Une loi est portée devant le parlement béninois et votée à l’unanimité, un moment vécu avec émotion par l’avocat français en 2024.

L’avocat continue l’entretien en rappelant que les Afrodescendants sont 350 millions à travers le monde. “J’ai un rêve, que d’autres pays africains dupliquent cette loi et que les Africains issus de la déportation soient à nouveau en lien avec l’Afrique”, conclut-il. 

Georges-Emmanuel Germany est intarissable sur ses racines. Il rappelle que les Antillais ont des coutumes africaines. Je suis Africain dont l’un des plus beaux endroits est la Martinique, s’amuse-t-il.

Depuis sa première élection en 2016, Patrice Talon a fait du tourisme mémoriel et du renforcement des liens avec la diaspora africaine et les Afrodescendants l'un des leviers de sa politique économique, à l'instar du Ghana, son voisin anglophone.

Il a ainsi nommé en juillet le réalisateur américain Spike Lee et sa femme, la productrice et avocate Tonya Lewis Lee, « ambassadeurs thématiques de la République du Bénin auprès de la diaspora afrodescendante des États-Unis d’Amérique ».

SOURCE DE L'INFORMATION:TRT Français